29 MARS 2019
Monsieur le Président,
Distingués Membres du Conseil,
Au nom de Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République du Mali, ma délégation et moi-même vous adressons, Monsieur le Président du Conseil, nos chaleureuses félicitations pour l’accession de votre pays, la France à la Présidence du Conseil de Sécurité pour ce mois de Mars 2019. Soyez assuré de la pleine coopération de mon pays à cet égard.
Je voudrais également offrir
mes vœux de plein succès à l’Afrique du Sud, l’Indonésie, la République
Dominicaine, la Belgique et l’Allemagne dans l’accomplissement de leur
mandat de nouveaux membres du Conseil.
Je saisis aussi cette occasion pour féliciter et remercier les délégations de la Bolivie, de l’Éthiopie, du Kazakhstan, de la Suède et des Pays-Bas pour leur contribution à la recherche de la paix et de la sécurité internationale.
Je voudrais saisir le privilège que m’offre la présente séance pour transmettre à tous les membres du Conseil de Sécurité, au Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Antonio Guterres, et à l’ensemble du personnel des Nations Unies en charge du Dossier du Mali, la profonde reconnaissance du Président de la République du Mali, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar Kéita, du Gouvernement et du Peuple Maliens pour leur engagement constant en faveur de la paix et de la sécurité au Mali, au Sahel et dans le reste du monde.
Ma délégation et le Peuple Maliens tenons à exprimer toute notre compassion et présentons aux pays contributeurs de troupes au Mali et à la famille des Nations Unies, toutes nos condoléances pour la perte des soldats de la paix tombés avec honneur sous les balles des ennemis de la paix.
Monsieur le Président,
Distingués Membres du Conseil,
Conformément au paragraphe 6 de la Résolution 2423 (2018) du Conseil de Sécurité, et en référence au paragraphe 4 de la Résolution et des éléments d’appréciation des résultats obtenus développés dans le Pacte pour la paix, je voudrais vous rendre compte des progrès réalisés par le Gouvernement du Mali six mois après que dans sa prestation de serment le Président Ibrahim Boubacar KEITA ait pris l’engagement de maintenir résolument le Mali sur la voie de sortie de crise.
Ma délégation
prend acte du rapport du Secrétaire Général sous examen et félicite
Monsieur Jean Pierre Lacroix, Secrétaire Général Adjoint aux Opérations
de Maintien de la Paix pour la clarté de sa présentation et pour ses
mises à jour sur les développements dans mon pays. Nous prenons
également bonne note des observations ainsi que des attentes fortes et
pressantes formulées dans le rapport.
Je voudrais tout d’abord
assurer les membres du Conseil que le Président de la République du
Mali, le Gouvernement du Mali, la Coordination des Mouvements de
l’Azawad, la Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 et tous les
groupes associés à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali
issu du processus d’Alger restent totalement engagés pour la mise en
œuvre diligente et inclusive de ses dispositions.
L’établissement d’un Ministère en charge de la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali a permis de consolider la coopération entre le Gouvernement et les Mouvements signataires. Il a également favorisé l’inclusion de tous les autres groupes ayant accepté l’Accord. Tous se reconnaissent aujourd’hui en tant que parties maliennes. La mention faite de cette cohésion dans le rapport sous examen est un motif de satisfaction pour ma délégation.
Monsieur le Président,
Distingués Membres du Conseil,
Comme le Conseil le sait certainement, l’élection présidentielle s’est déroulée les 29 juillet et 12 août 2018 dans un climat apaisé. Le Président Ibrahim Boubacar Kéita, qui a été réélu avec plus de 67% des suffrages exprimés, a prêté serment le 4 septembre 2018. Je tiens à relever la remarquable contribution au bon déroulement du processus électoral des Mouvements signataires et ceux associés à L’Accord. Ces parties maliennes ont joué un rôle important dans l’instauration d’un climat apaisé à travers la sécurisation du processus partout où elles se trouvaient. Leur implication positive montre à suffisance leur engagement fort aux cotés du Gouvernement, dans la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation.
Je voudrais aussi reconnaitre le rôle important que la MINUSMA a joué tout au long du processus électoral. La Mission des Nations Unies nous a apporté un soutien financier, logistique et technique indispensable à la réussite des opérations de votes et à l’apaisement du climat électoral. Sa coopération avec les organes de gestion du processus électoral, sa participation à la sécurisation des opérations de vote et la formation dispensée par elle aux différents acteurs politiques et sociaux sur la prévention des violences liées aux élections ont fortement contribué à la réussite de la présidentielle.
Ma délégation saisit donc l’opportunité du rapport pour rendre un hommage très appuyé au Représentant Spécial du Secrétaire Général, Monsieur Mahamat Saleh Annadif, pour son rôle exemplaire et sa contribution à la tenue de l’élection présidentielle apaisée dans mon pays.
Monsieur le Président,
Distingués Membres du Conseil,
Depuis sa mise en place, le Gouvernement a accéléré la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la paix et la Réconciliation, notamment en ce qui concerne les réformes institutionnelles et la mise en œuvre des arrangements sécuritaires. A cet égard, le chef de l’Etat nous a instruit d’engager un processus consensuel et inclusif de révision constitutionnelle et de réformes institutionnelles.
Le processus qui doit aboutir à l’adoption d’une nouvelle Constitution à travers un Référendum a débuté avec l’installation d’un Comité d’Experts pour la réforme de la Constitution qui a commencé ses travaux le 16 février dernier. Ce Comité est chargé de faire la revue des projets de révision constitutionnelle élaborés par le passé, des dispositions de l’Accord pour la paix et la Réconciliation. Il doit aussi tenir compte de l’évolution de la vie politique malienne et conduire de larges consultations au plan national.
En soutien au travail des Experts, le Gouvernement du Mali a mis sur pied un Cadre de Concertation National qui intègre les partis politiques, les mouvements signataires et associés et les organisations de la société civile.
Enfin, pour renforcer le caractère consensuel de la révision constitutionnelle, le Président de la République a récemment initié des rencontres avec tous les leaders de la majorité et de l’opposition en vue de recueillir leur analyse de la situation nationale et leurs propositions pour une vie politique et sociale animée autour d’une vision commune des grands problèmes de notre nation.
Monsieur le Président,
Distingués Membres du Conseil,
En même temps que le Gouvernement conduit les réformes constitutionnelles et institutionnelles, il accélère la mise en œuvre du processus de décentralisation et de la régionalisation.
Le Code des Collectivités et la loi portant conditions de la libre administration des
collectivités territoriales promulgués le 2 octobre 2017 ont établi des
bases solides pour la réforme administrative et la décentralisation.
Ces lois déterminent l’élection des Conseillers municipaux, de cercles
et régionaux au suffrage universel direct ainsi que le transfert de 30%
des recettes budgétaires de l’Etat aux collectivités territoriales.
Dix neuf (19) décrets fixant le détail des compétences transférées de
l’Etat aux collectivités territoriales ont été adoptés. La mise en œuvre
de ces mesures susmentionnées a permis de porter le taux de transfert à
plus de 21% des recettes budgétaires en 2019. Ainsi, le montant des
ressources transférées a été doublé entre 2015 et 2019 avec une
augmentation de plus de 190 millions de dollars.
En additionnant les
ressources et les crédits inscrits en faveur des administrations
déconcentrées de l’Etat, dont le transfert aux collectivités
territoriales est envisagé dans le cadre de l’Accord, le taux de
transfert sera même supérieur au 30% prescrits.
Le Gouvernement a
par ailleurs adopté le 20 février 2019 le Décret sur les modalités de
transfert des services déconcentrés de l’Etat aux collectivités
territoriales, conformément à l’article 14 de l’Accord pour la Paix et
la Réconciliation. Ce transfert permet de fournir les services sociaux
de base aux populations, notamment dans les secteurs de l’éducation, de
la santé, de l’eau et de l’assainissement. Il créée également les
conditions du développement régional, notamment dans les domaines de
l’agriculture, de la fiscalité locale, de l’emploi des jeunes et de
l’énergie.
Je me réjouis que le rapport sous examen du Secrétaire général ait constaté que le pourcentage des Administrateurs civils et autres représentants de l’État dans les régions du Nord et du Centre a connu une légère augmentation au cours des six derniers mois.
S’agissant des autorités intérimaires, leur présence dans toutes les
Régions du Nord du Mali permet d’encadrer la fourniture des services
sociaux de base aux populations.
Pour l’installation et le
fonctionnement de ces autorités intérimaires, le budget d’Etat a
mobilisé un peu plus de 45 millions de dollars.
Monsieur le président,
Distingués Membres du Conseil,
Ces acquis, bien qu’encourageants, ne sauraient nous faire perdre de
vue l’extrême volatilité de l’environnement sécuritaire dans lequel
s’exerce l’action des autorités maliennes. La menace terroriste continue
de s’étendre du Nord au Centre et rend plus compliquée la mise en œuvre
de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Les groupes terroristes
suscitent, entretiennent et exacerbent les violences intercommunautaires
en ressuscitant des litiges anciens et quelques rivalités séculaires.
Pour contrer les nouvelles menaces, le Gouvernement du Mali a élaboré
et mis en oeuvre un Plan de Sécurisation Intégrée des Régions du Centre
(PSIRC), comportant un renforcement des dispositifs de sécurité à
travers notamment le déploiement pour l’année 2018, de 13,000 hommes et
la création de 16 nouveaux postes de sécurité, ainsi que des actions de
mobilisation sociale, de travaux à haute intensité de main d’œuvre,
d’activités génératrices de revenus en faveur des femmes et des jeunes,
et des programmes de communication visant à promouvoir la cohésion
sociale.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Le Gouvernement a lancé le processus de désarmement, de démobilisation
et de réintégration (DDR) accéléré le 6 novembre 2018, à Gao, Tombouctou
et Kidal. Cette opération concerne les éléments du Mécanisme
Opérationnel Conjoint. Elle a permis l’enregistrement et le désarmement
de plus de 1.400 combattants sur 1.600 prévus, tous issus des deux
Mouvements signataires de l’Accord et des autres groupes armés ayant
accepté l’Accord. Ce processus se poursuivra pour accueillir 417
ex-combattants supplémentaires.
Ces soldats suivront une formation
sous les auspices du Ministère de la défense, de la MINUSMA et de
l’Union Européenne. A la fin de leur mise à niveau, les combattants
seront affectés à la sécurisation de la suite du processus de DDR dans
un environnement que le Conseil sait difficile.
Entre février 2018
et mars 2019, plus de 74.405 combattants ont été préenregistrés par la
Commission DDR, parmi lesquels 23.427 ont des armes. 17.000 ont rempli
les critères d’éligibilité pour participer au processus de DDR.
Je
salue içi la collaboration de la MINUSMA qui a fortement contribué au
succès de ce processus ainsi que la Banque Mondiale qui a mis à
disposition 15 millions de dollars pour la réintégration des 4000
premiers ex-combattants à démobiliser.
Nous avons, parallèlement,
entrepris dans le Centre un programme de désarmement pour la réduction
de la violence entre les communautés au terme duquel 1.500 éléments ont
été recensés et devraient rejoindre dans les semaines à venir le camp de
Soufouroulaye près de Mopti pour passer différents tests.
Monsieur le Président
Distingués membres du Conseil
Concernant le processus de réforme du secteur de la sécurité, le
Gouvernement a organisé à Bamako du 12 au 14 décembre 2018 un atelier de
haut niveau, au cours duquel un consensus a été trouvé avec les
Mouvements signataires, particulièrement sur les concepts d’armée
reconstituée, d’unités spéciales et de police territoriale.
Conformément aux dispositions de l’Accord, le Gouvernement a rappelé les
anciens éléments des Forces Armées maliennes. A ce jour, 505 parmi eux
ont réintégré les forces de défense et de sécurité. La question des
quotas continue à faire l’objet de discussions avec les mouvements
signataires.
Grâce au soutien de l’Union Européenne, de EUCAP Sahel
Mali et EUTM, les forces de défense et de sécurité maliennes continuent
de renforcer leurs capacités tout en accentuant leur déploiement dans le
Nord. Le Gouvernement a d’autre part décidé de la création d’un corps
de gardes-frontières en vue d’une meilleure surveillance des sept
frontières du Mali.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Nous avons également fait des efforts pour créer un environnement
favorable au développement et à l’action humanitaire. En dépit de
conditions difficiles, le Gouvernement a maintenu une croissance
économique de 5.3% et réduit le déficit budgétaire de 2.9% en 2017 à
2.5% en 2018.
S’agissant de la mise en œuvre de la stratégie
spécifique de développement des régions du Nord, il est à signaler que
l’instrument de sa mise en œuvre est le Fonds de Développement Durable
(FDD). Dans le cadre de l’opérationnalisation du FDD, les textes
relatifs à sa création, à son organisation et à ses modalités de gestion
ainsi que ceux portant création et fonctionnement de ses comités de
pilotage et de gestion ont tous été adoptés entre Février et Novembre
2018.
En attendant l’opérationnalisation effective du Fonds de
développement Durable, le Gouvernement a mobilisé 20 millions de dollars
pour financer les dépenses prioritaires urgentes dans les régions de
Kidal, Ménaka, Tombouctou et Gao.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Les valeurs de liberté, de dignité et de solidarité sont chères au
Peuple Malien et constituent notre boussole morale. C’est l’attachement à
ces valeurs qui explique que pendant plus de cinq décennies notre pays a
participé à des missions de maintien de la paix en Afrique et hors du
continent. De 1960 à tout récemment, le Mali a fourni plus de 2000
hommes – militaires – gendarmes – policiers, qui ont été déployés du
Congo à Haiti en passant par l’Angola, le Burundi, la Centrafrique, le
Darfour, le Libéria, le Rwanda et la Sierra Leone.
Pendant plus d’un
demi-siècle, notre pays a répondu sans hésitation et sans calcul chaque
fois qu’il a été sollicité, que ce soit pour ramener la paix dans des
territoires en conflit, pour aider à un retour à la normale et à la
restauration de la démocratie, pour contribuer à la reconstitution de la
cohésion nationale, ou pour participer au rétablissement du dialogue
entre des communautés déchirées.
Au cours de nos interventions, nous
avons accompli ce que nous considérons comme notre devoir sacré en tant
que nation éprise de paix et de concorde. Par un juste et éloquent
retour de l’Histoire, nous avons eu droit à un engagement total de la
part des nations amies quand nous avons été, à notre tour, confrontés à
une terrible tragédie. Pour la libération des régions du Nord, pour le
rétablissement de son intégrité territoriale, pour la sécurisation de
ses populations, notre pays a bénéficié d’un solidarité internationale
d’une ampleur exceptionnelle.
Cette solidarité pour laquelle nous ne
remercierons jamais assez nos amis et partenaires s’est encore
manifestée tout récemment quand notre pays a subi en moins d’une semaine
deux terribles tragédies qui ont donné à la barbarie un visage que nous
ne connaissions pas. Le 17 Mars, vingt trois de nos soldats ont
succombé lors de l’attaque de leur camp par des terroristes dans le
village de Dioura. Le 23 Mars le comble de l’horreur a été atteint avec
le massacre de plus de cent trente habitants du village d’Ogossagou. Ces
évènements soulignent une fois de plus la mobilisation et la vigilance
extrême qui doivent être observées dans le combat que nous menons pour
sauvegarder l’avenir de notre nation.
Les évènements d’Ogossagou et
de Dioura ont suscité dans le monde entier une impressionnante vague de
compassion et de solidarité à notre endroit. Ils ont révélé à nos
compatriotes qu’ils ne sont pas abandonnés dans l’épreuve. Tous les
citoyens, toutes les personnalités attachés à la restauration de la paix
et de la sécurité dans notre pays se sont en ces circonstances déclarés
être Maliens selon la touchante formule du Secrétaire Général des
Nations Unies.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Je voudrais exprimer au nom de Son Excellence Monsieur le Président
Ibrahim Boubacar Keita, au nom du Peuple Malien et au nom du
Gouvernement du Mali notre gratitude émue pour toutes les marques de
sympathie qui nous ont été prodiguées. A nos amis et à nos partenaires,
je voudrais réitérer notre détermination à poursuivre sans faiblesse le
combat contre les groupes terroristes et les extremismes, contre tous
ces ennemis sans visage ou aux milles visages qui n’ont de cesse de
vouloir détruire nos institutions démocratiques et républicaines, la
cohésion et le vivre ensemble séculaire de nos sociétés.
Je voudrais
donner l’assurance que nous rechercherons par tous les moyens les
auteurs et complices des différents massacres pour les traduire devant
les juridictions compétentes.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Les Nations Unies figurent parmi les partenaires qui dès les premières
heures de la crise de 2012, se sont impliqués dans la sauvegarde de
notre pays. Le Conseil a maintes fois réaffirmé sa conviction que le
rétablissement et la préservation de la paix dans le monde, la gestion
de la sécurité globale de la planète font apparaître de nouveaux
impératifs de solidarité et d’entraide auxquels nulle nation ne devrait
se soustraire.
C’est pourquoi je voudrai souligner avec force
l’importance que toutes les parties maliennes attachent au maintien de
la MINUSMA et au renforcement des capacités de celle-ci afin qu’elle
continue à conforter le processus de paix en cours. Les initiatives à
réduire le budget, à réduire ou à reconfigurer le mandat, sont porteuses
de risque de remise en cause des acquis fragiles.
En effet pour la
première fois depuis sa signature, l’Accord pour la Paix et la
Réconciliation connait des avancées significatives et une véritable
dynamique s’est enclenchée. La pérennisation de cette dynamique
nécessite tout le soutien de la MINUSMA qui travaille sans cesse auprès
des groupes signataires et ceux impliqués dans la mise en œuvre de
l’Accord pour faciliter la mise en place du DDR et des autorités
intérimaires entre autres.
La MINUSMA fournit aujourd’hui des
services vitaux aux populations les plus fragiles en attendant que la
reconstruction de l’Etat malien soit effective et joue donc aussi à ce
titre un rôle déterminant dans la stabilisation du pays.
Une
réduction des moyens ou des missions de la MINUSMA aura donc des
conséquences extrêmement négatives sur la situation économique, qui
aboutira au final au renforcement des groupes terroristes et à une
nouvelle dégradation de la situation. De même, bien que la MINUSMA ne
prenne pas directement part aux actions antiterroristes elle joue un
rôle essentiel en soutien aux forces qui assurent cette mission, à
commencer par la Force Barkhane et la Force Conjointe du G5-Sahel, dont
elle est le complément indispensable.
Les groupes terroristes ont
connu des revers importants ces derniers mois. Ces succès ouvrent une
fenêtre d’opportunité contre les groupes terroristes et plaident pour un
maintien en l’état de la MINUSMA afin de l’exploiter pleinement.
Plus largement, toutes les forces doivent être mobilisées pour empêcher
le transfert vers notre pays de combattants étrangers terroristes qui
aboutira au renforcement de la menace terroriste dans le Sahel et son
extension vers de nouvelles zones, à commencer par les pays du Golfe de
Guinée comme le Ghana, le Togo, le Benin ou la Côte d’Ivoire.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Le Mali se réjouit de l’extrême attention portée par le Conseil de
Sécurité à l’évolution de la situation dans notre pays. C’est justement
cette constance du Conseil à notre égard qui nous incite aujourd’hui à
soumettre à votre perspicacité nos préoccupations sur la situation
sécuritaire dans la zone sahélo-saharienne.
Le Président de la
République, Son Excellence Ibrahim Boubacar Keita a souligné à plusieurs
reprises et en des circonstances solennelles que le Mali est engagé en
première ligne et est en mission du monde dans le combat contre le
terrorisme dans le Sahel. Notre pays fait en effet barrage à un danger
terroriste dont il convient de ne sous-estimer ni la dimension, ni la
capacité de se projeter au delà même des frontières de notre continent.
C’est pourquoi le Chef de l’Etat a souhaité que ne faiblisse pas
l’attention des partenaires à l’égard du Mali. Lui même s’est investi
lors de son mandat de Président en exercice du G5 Sahel pour accélérer
l’opérationnalisation de la Force conjointe de cette organisation.
Aujourd’hui, les résultats déjà obtenus nécessitent d’être
vigoureusement soutenus par tous nos partenaires à travers la mise à
disposition effective des soutiens annoncés lors de la conférence de
Nouakchott du 06 décembre 2018.
Tout en réitérant la gratitude du
Mali pour le très significatif élan de solidarité qui s’est manifesté
lors de cet évènement, je réitère l’appel des Chefs d’Etat du G5 Sahel
pour un financement prévisible et pérenne des activités de la Force
conjointe de l’organisation.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Les récents évènements ont démontré que les risques et les menaces que
font peser les groupes terroristes et criminels sont désormais non
seulement transfrontaliers, mais aussi multidimensionnels et dynamiques.
Ces risques et ces menaces se manifestent également sur un espace
continu qui dépasse largement le territoire malien. Or, les mesures qui
sont prises pour les neutraliser voient leur efficacité réduite par les
limites intrinsèques de l’architecture internationale actuelle en
matière de paix et de sécurité.
Nous ne devons, en effet pas ignorer
le fait que l’expansion prise par les groupes terroristes et criminels
ne menace pas uniquement la zone sahélo-saharienne. La menace pourrait
se projeter dans un très court terme dans toute la région
ouest-africaine. Son traitement solidaire intéresse donc dès maintenant
les Etats de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) non membres du G5 Sahel. Par conséquent, le Mali souhaite voir
le Conseil de Sécurité étudier la nécessité d’impliquer ces Etats aussi
bien dans le renforcement capacitaire de la MINUSMA que dans un appui
aux actions de la Force G5 Sahel.
Il est important de souligner que
les nouvelles initiatives à envisager avec l’implication accrue de la
Communauté ne doivent pas se substituer aux actions déjà menées par la
MINUSMA et par le G5 Sahel, ni faire double emploi avec celles-ci. Le
but recherché est de mettre en place avec la CEDEAO des arrangements et
des articulations qui par leur flexibilité et leur efficacité
renforceront la lutte contre le terrorisme et la criminalité
transfrontalière organisée.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Dans le contexte difficile que nous traversons, il me revient au nom de
Son Excellence le Président de la République du Mali et au nom du
Peuple malien de saluer le travail remarquable de la MINUSMA, sous le
leadership de Monsieur Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du
Secrétaire Général au Mali et Chef de la Mission. Notre gratitude va
aussi à la force française Barkhane, aux pays contributeurs de
contingents à la MINUSMA ainsi qu’à tous les partenaires multilatéraux
comme bilatéraux, pour leur accompagnement constant en faveur du
règlement durable et définitif de la crise dans mon pays.
Nos
pensées vont en cet instant aux valeureux combattants amis tombés lors
des affrontements et dont le sacrifice scelle à jamais un pacte de sang
entre nos peuples.
Monsieur le Président,
Distingués membres du Conseil,
Pour conclure, je dirai qu’il nous faut remettre les choses en
perspective : il y a 7 ans, mon pays était menacé de disparition. Une
grande partie du territoire du Mali était sous la coupe de groupes
terroristes. L’Etat était en faillite absolue. Les souffrances des
populations étaient extrêmes.
Aujourd’hui, en large partie grâce à
l’investissement gigantesque consenti par la Communauté Internationale,
en premier lieu via la MINUSMA, au leadership du Président Ibrahim
Boubacar Keita et à la détermination des Maliennes et des Maliens, le
Mali a relevé la tête et est redevenu une nation debout : les
djihadistes ont reflué, la situation sécuritaire est globalement
apaisée, un accord de paix historique a été signé et le processus de
consolidation de l’Etat se poursuit – la très bonne tenue de l’élection
présidentielle à l’été 2018 en a été la démonstration manifeste.
Mais nous devons être lucides et réalistes : si des progrès ont été
réalisés au regard de la situation de 2013, la situation de mon pays
reste particulièrement préoccupante : la menace jihadiste perdure malgré
les succès militaires, notamment dans le Centre, où les antagonismes
ancestraux sont instrumentalisés et engendrent la plus grande souffrance
de la population comme les tragiques évènements du 23 Mars nous l’ont
cruellement rappelé. La mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la
réconciliation, malgré nos efforts inlassables et les progrès
enregistrés, reste lente et fragile. Trop fragile pour que nous
relâchions nos efforts. Trop fragile pour que la communauté
internationale se retire. Trop fragile pour considérer que le travail
est terminé.
Je le dis solennellement : le Mali est aujourd’hui à la
croisée des chemins. Deux perspectives s’offrent à lui : soit la paix
s’enracine et le développement socio-économique peut enfin avoir lieu
sur tout le territoire, soit on assiste à un grand bond en arrière au
plan politique et sécuritaire. Le risque est réel et toute la communauté
internationale doit en être très consciente.
Tous nos efforts, dans
tous les domaines, visent aujourd’hui à ce que la première voie soit
prise par le Mali. La voie de la stabilité, de la paix et du
développement. Comme vous le savez, la MINUSMA et au sens large toute la
communauté internationale joue un rôle central dans le fragile
équilibre et dans les progrès actuels. Dès lors, tout mouvement de
retrait sera interprété comme un signe de faiblesse par nos ennemis
communs, et comportera un risque élevé d’engendrer un coup d’arrêt fatal
à la mise en œuvre déjà laborieuse et complexe de l’Accord pour la Paix
et la Réconciliation.
La réussite du Mali sera la réussite de la
Communauté Internationale, tout comme l’échec du Mali sera aussi celui
de la Communauté Internationale. Les enjeux du Mali, vous le savez tous,
sont des enjeux globaux.
Je lance aujourd’hui un appel solennel à
maintenir et à renforcer la mobilisation internationale qui constitue
pour nous une source permanente de motivation et d’engagement. Car
donner des raisons de croire en la paix et en la stabilité grâce à la
solidarité internationale est notre devoir à tous vis-à-vis du Peuple
Maliens et des populations du Sahel.
Je vous remercie de votre aimable attention