Projet de relecture de la Constitution du 25 février 1992 : Du contexte défavorable à l’hostilité politique, un pas vite franchi

C’est, traditionnellement, une gouvernance paisible et rassurante qui réussit des réformes fondamentales dans la vie des nations. Celle conduite par le président IBK est plutôt laborieuse et marquée par de nombreuses déceptions. Au point que l’on se demande si le contexte se prête à un processus de révision constitutionnelle. Surtout que le président de la République, clé de voûte même des institutions annonçait récemment, sur un ton solennel, que le pays est en guerre.

Les contingences politiques du moment font qu’une majorité écrasante des forces vives de la nation sont devenues réticentes à entendre parler des réformes majeures que l’Etat malien est tenu d’engager. L’on se retrouve dans la situation d’un patient auquel il faut administrer une thérapie très difficile à supporter. Pourtant, ce traitement est nécessaire à la guérison

En effet, avec une gouvernance qui peine à combler les attentes, les acteurs politiques sont devenus excessivement méfiants, dubitatifs voire hostiles aux réformes politiques ou administratives, pourtant recommandés par une écrasante majorité de la population. Et le pouvoir a beau opté pour une certaine pédale douce, à travers par exemple un gouvernement d’ouverture, les adversaires politiques d’IBK ne baissent pas les bras. Ils ne fléchissent pas dans leur hostilité à voir un régime poussif réussir le pari de poser les jalons de la gestion du pays.

A titre d’exemple, les associations du CNID et de l’ADEMA, en collaboration avec certains partis et regroupements politiques, lors d’une rencontre animée par des figures de proue comme Mme Sy Kadiatou Sow et l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, ont lancé un appel à tous les patriotes pour la mise en place d’une « force de résistance » contre la prolongation du mandat des députés et les réformes administratives et politiques latentes, sans un dialogue national inclusif. Tout semble indiquer qu’une nouvelle formule du front Antè A banna (de rejet de la révision constitutionnelle de 2017) se prépare.

Pis, l’ancien Premier ministre Soumana Sako de la CNAS Faso Héré vient de monter au créneau pour dire que le dialogue politique annoncé est une méthode pour entériner la révision constitutionnelle

Idem pour le Pr Ali Nouhoum Diallo, Iba N’Diaye, Me Mountaga Tall, Dr Choguel Kokalla Maiga, Modibo Kadjogué, Souleymane Koné, le député Mamadou Hawa Gassama, qui ont suggéré la création d’un mouvement en gestation pour barrer la route aux réformes en chantier. Ils estiment tous qu’il y a nécessité pour les forces patriotiques de s’unir pour constituer « un camp de résistance contre la révision de la Constitution ».

Concernant du dialogue national inclusif, Mme Sy Kadiatou Sow assure que la quasi-totalité des acteurs politiques sont d’accord pour la tenue d’un dialogue national inclusif qui, selon elle, doit être le préalable à toutes les réformes institutionnelles. Avant de dénoncer la « non-inclusivité » et surtout « le comportement cavalier et unilatéraliste du gouvernement ». « La crainte est qu’aujourd’hui, si le gouvernement seul élabore les TDR, définit le mode opératoire, la durée, les participants et désigne ceux qui sont chargés de la conduite du dialogue, il y a des fortes chances que le processus soit biaisé ». La présidente de l’Association ADEMA propose que pour un dialogue véritablement inclusif, il faut associer toutes les forces vives sans exclusive et mettre au centre du débat, sans tabou, toutes  les préoccupations nationales.

Mêmes critiques contre la prorogation du mandat des députés, jugée « inconstitutionnelle et illégale », tout en fustigeant l’Accord pour la paix comme comportant « les germes de la dislocation du Mali ». Pour la Présidente de l’Association ADEMA, au lieu de réviser la Constitution pour prendre en compte certaines dispositions de l’Accord, pourquoi ne pas conformer l’Accord à la Constitution ?

Au même moment, de nombreux acteurs politiques, notamment ceux ressortissant du centre du pays peinent à se rendre dans leurs circonscriptions électorales abandonnées par les populations déplacées par la guerre, les attaques terroristes. « Nous ne pouvons pas aujourd’hui parler à qui que ce soit de réformes politiques ou institutionnelles. Nul n’a la tête à cela, mais tout le monde est préoccupé par notre survie, notre sécurité », déclare un député de la région de Mopti. Lui et d’autres cadres politiques et associatifs de la zone s’organisent vaille que vaille pour sauver les meubles. Ils grincent les dents contre les hautes autorités qui osent discourir sur les réformes politico-administratives.

Baba Djilla SOW

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