Les intervenants à la rencontre ont exhorté à la mobilisation internationale pour parvenir à une paix durable et au développement dans la région
En marge des travaux de la 74è session de l’assemblée générale des Nations unies à New York, s’est tenue hier une réunion de haut niveau sur le Mali et le Sahel, en présence du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, de ses homologues du Burkina Faso et du Niger, respectivement Rock Christian Marc Kaboré et Issoufou Mahamadou.
Il y avait aussi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, des ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Algérie et de l’Allemagne.
Cette rencontre a été l’occasion de faire le point de la situation au Mali et au Sahel où, les défis pour instaurer la sécurité et assurer le développement, demeurent entiers. Dans son intervention, le secrétaire général des Nations unies a rappelé qu’en plus de la menace terroriste, le Mali et le reste du Sahel sont confrontés au changement climatique et à la rareté des ressources. Des facteurs qui sont en train d’exacerber les violences intercommunautaires.
Pour Antonio Guterres, ces violences ont provoqué le déplacement de 4 millions de personnes et 20 millions d’autres se trouvent dans l’insécurité alimentaire.
En outre, le patron de l’ONU a salué les avancées dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Il s’est aussi réjoui du fait que plus de 1000 ex-combattants ont terminé leur formation pour intégrer l’armée malienne dans le cadre du DDR (démobilisation, désarmement et réinsertion).
Le patron de l’ONU a également salué les efforts du gouvernement pour contenir les violences dans la Région de Mopti, avec le soutien de la Minusma.
Selon Antonio Guterres, la lutte contre le terrorisme dans le Sahel n’est pas seulement une seule affaire du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad), mais, elle doit être faite dans le cadre d’une approche globale.
C’est pourquoi, il a lancé un appel à la mobilisation internationale afin que la Force conjointe du G5 Sahel soit dotée de moyens adéquats pour accomplir sa mission. Pour le secrétaire général de l’ONU, les trois milliards de dollars promis par les partenaires en faveur de la Force conjointe du G5 Sahel doivent être rapidement décaissés.
Prenant la parole, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a indiqué que cette réunion de haut niveau était l’occasion pour lui de faire le point des progrès, des défis et des perspectives du processus de stabilisation en cours dans notre pays.
«Dans cette perspective, je peux vous dire, sans triomphalisme, qu’aujourd’hui, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, connaît des avancées notables », a soutenu le chef de l’Etat, pour qui l’un des acquis majeurs de l’Accord est l’absence de belligérance entre les Forces de défense et de sécurité du Mali et les mouvements signataires, ainsi que le retour progressif de la confiance entre les parties maliennes.
Au plan des réformes politiques et institutionnelles, le président Keïta a souligné la tenue très prochaine du Dialogue national inclusif, pour conduire, dans le consensus, les réformes indispensables au renforcement de la réconciliation nationale et de la démocratie dans notre pays.
«Dans ce contexte, nous avons été amenés à proroger jusqu’au 2 mai 2020 le mandat des députés à l’Assemblée nationale afin de permettre l’adoption des réformes politiques et institutionnelles qui seront décidées lors du Dialogue national inclusif, conférant ainsi un cadre légal à ces réformes indispensables pour l’avenir de notre pays et prévues par l’Accord », a-t-il expliqué.
Pour ce qui concerne le redéploiement de l’Armée nationale reconstituée, qui est appelée à soutenir le rétablissement progressif de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, le chef de l’Etat a signalé la réintégration définitive de plus de 500 anciens militaires au sein des Forces de défense et de sécurité du Mali, l’achèvement de l’enregistrement de près de 2000 ex-combattants dans le cadre du processus de DDR accéléré, dont 1000 poursuivent actuellement leur formation afin d’être redéployés sous la bannière des Forces armées nationales reconstituées.
De même, les consultations sont en cours entre les parties signataires maliennes pour finaliser le projet de décret définissant les modalités d’attribution des rangs et des responsabilités des officiers de commandement des ex-combattants devant intégrer l’armée reconstituée. Les consultations se tiennent également autour du plan de redéploiement de l’armée.
Le président de la République a aussi parlé de la Loi d’Entente nationale, un instrument juridique qui vise à concrétiser la politique de la restauration de la paix et de la réconciliation nationale, socle de la stabilité et du développement de la Nation.
Cette loi stipule des mesures de reconnaissance et de réparation en faveur des victimes des événements douloureux survenus au Mali à partir de janvier 2012. « Elle ne laisse personne de côté et prévoit également un programme de réinsertion des victimes. Cependant, je dois dire ici avec force que cette Loi d’entente nationale ne constitue ni une prime à l’impunité, ni un déni du droit des victimes. C’est pourquoi, le champ d’application de la loi exclut les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols et les crimes réputés imprescriptibles », a tenu à préciser le président Keïta.
Au chapitre du développement des régions septentrionales du Mali, le chef de l’Etat a souligné l’adoption d’une série de lois qui créent la Zone de développement des régions du Nord du Mali, telle que prévue par l’Accord. Dans la même veine, le gouvernement a créé le Fonds de développement durable (FDD), qui est l’instrument financier de mise en œuvre de la stratégie de développement des régions du Nord du Mali. Ce fonds a été doté de 72 millions de dollars américains.
Le gouvernement a mobilisé 20 millions de dollars américains pour financer les dépenses prioritaires urgentes dans les régions de Kidal, Ménaka, Tombouctou et Gao. En outre, dans le souci d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord, les parties signataires ont adopté, le 12 juillet 2019, une nouvelle Feuille de route. Celle-ci détermine le chronogramme des actions prioritaires à mener dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. Elle prend totalement en charge les benchmarks énumérés dans la résolution 2480 (2019).
«Ces différentes avancées ont été rendues possibles grâce à la volonté commune de toutes les parties maliennes à l’Accord. Elles l’ont été aussi grâce au soutien et l’accompagnement des partenaires internationaux du Mali », a affirmé Ibrahim Boubacar Keïta, qui a saisi l’occasion pour renouveler ses vifs remerciements aux efforts de la Minusma et pour rendre hommage aux victimes du terrorisme.
Pour le président Keïta, les progrès ne nous font pas occulter les défis majeurs qui jalonnent le processus de paix au Mali.
Au nombre de ces défis, il a cité la recrudescence des attaques des groupes terroristes, extrémistes violents et de narcotrafiquants contre les populations civiles, les représentants de l’État, les forces de défense et de sécurité maliennes et les forces internationales partenaires. De même, la disponibilité des ressources financières suffisantes pour accélérer la mise en application de l’Accord constitue un défi de taille.
Le chef de l’État a noté que face à cette situation au Sahel, la création et les initiatives du G5 Sahel constituent une réponse globale qui allie les volets sécuritaires et de développement. «Pour autant, au sein du G5 Sahel, nous restons pleinement conscients que le tout sécuritaire ne saurait apporter la paix durable que nous recherchons dans la région.
C’est pourquoi, nous travaillons ensemble à la mise en œuvre du Programme d’investissements prioritaires (PIP), qui comprend une quarantaine de projets dans les domaines de la défense et de la sécurité, de la gouvernance, des infrastructures, de la résilience et du développement humain.
Notre ambition est d’apporter des réponses appropriées aux causes profondes de l’instabilité, car, nous avons la conscience aiguë que le terrorisme trouve son nid dans la misère des populations, d’où notre ferme engagement commun à créer des opportunités économiques, sociales et de développement pour nos populations, particulièrement notre jeunesse », a-t-il déclaré, ajoutant que les Etats membres du G5 Sahel se sont engagés à financer 13 % de ce programme et les partenaires au développement ont promis plus de 2,3 milliards de dollars US pour la période 2019-2021.
Le président Keïta a également salué l’Alliance Sahel qui vise à fédérer et à coordonner l’engagement de nos partenaires à travers 720 projets prévus dans les six domaines d’actions prioritaires, à savoir l’éducation et l’emploi des jeunes ; l’agriculture, le développement rural et la sécurité alimentaire ; l’énergie et le climat ; la gouvernance ; la décentralisation et les services de base; et la sécurité intérieure, pour un coût financier de 6 milliards d’euros, sur la période 2018-2022.
De son côté, le président burkinabé a demandé de placer la Force conjointe du G5 Sahel sous le chapitre VII des Nations unies afin qu’elle puisse bénéficier d’un financement pérenne. Après avoir dénoncé la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le président de la Commission de l’Union africaine a estimé qu’il fallait agir très vite pour la paix au Mali et au Sahel tout entier. Pour cela, l’engagement des États est fondamental, et le soutien des partenaires est important, a indiqué Moussa Faki Mahamat.
Envoyé spécial
Madiba KEITA
Source : L’Essor 26 Sep 2019