Il n’y a aucun doute. Les cinq Présidents des pays du G5 répondront à la convocation du Président français, à Pau le 16 décembre 2019. S’il s’agira pour les Chefs d’Etat d’aller s’expliquer devant Emmanuel Macron sur le maintien ou pas de la force Barkane, le moins sûr pour M. Macron est qu’il n’obtiendra pas des Chefs d’Etat la fin des contestations populaire contre la presence de la force Barkhane dans les pays du Sahel et les dénonciations de la politique française qu’il a qualifié d’ « anti-français ».
« …Je ne peux, ni ne veux, avoir des soldats français au Sahel alors que l’ambiguïté perdure à l’égard des mouvements antifrançais… ». Ces propos sont du Président Français, Emmanuel Macron, prononcés la semaine dernière en Angleterre lors d’une rencontre de l’OTAN. S’adressant aux chefs d’Etat des pays du G5 Sahel (Idriss Deby du Tchad, Mahamadou Issouffou du Niger, Marc Christian Kaboré du Burkina, Ibrahim Boubacar Keita du Mali et enfin Mohamed Ould Cheick Mohamed Ahmed El Ghazouan de la Mauritanie), le Président français de passage fait allusion aux mouvements d’humeurs « anti français » organisés dans certains pays : Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ces derniers temps. Accusé de tous les péchés d’Israël, le Président Macron, a tapé du poing sur la table et souhaiterait que les Présidents des pays du G5 aillent s’asseoir en face de lui pour s’expliquer à Pau, le 16 décembre 2019 sur l’avenir de la force Barkhane. « J’ai besoin de ces clarifications pour continuer à maintenir la présence française… Nous devons à très court terme re-clarifier le cadre et les conditions politiques de notre intervention au Sahel avec les cinq Etats membres du G5 Sahel ».
Il n’y a aucune ambigüité, les 5 chefs d’Etat répondront à la « convocation » de leur « maître » bien aimé. Au regard de la complexité de la situation sécuritaire sur le terrain, tous les Présidents du G5 Sahel se plieront aux « diktats » de Macron. Mark Christian Kaboré, président en exerce du G5 Sahel et les siens trouveront les mots justes pour dire à leur homologue français que Barkhane doit rester non pas pour eux (populations du Sahel) mais aussi pour la stabilité de l’occident. Aujourd’hui, il n’est caché de personne que ni le G5 Sahel encore moins les armées des pays pris individuellement n’ont pas la capacité (moyens techniques et humains) de contrer les terroristes. La Minusma n’étant pas une force de combat, le maintien de Barkhane se justifie aisément.
En clair, à Pau, les chefs d’Etat n’auront aucun complexe à se plier en quatre à toutes « exigences » de M. Macron en tout cas s’ils veulent que Barkhane reste.
Nous n’avons rien contre la France, mais contre sa politique
Par contre ce que le Président français ne peut avoir d’eux, c’est bien la fin des mouvements qualifiés par lui d’ « antifrançais » et les dénonciations de la politique française au Mali.
Pour paraphraser l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Mamadou Coulibaly, « nous n’avons rien contre les français, ce que nous dénonçons, c’est un ras-le-bol, un refus de la mainmise de l’Etat français sur nos économies, les relations de connivence entre l’Etat français et les Etats africains, c’est ce que nous refusons. Parce que ces relations étouffent la démocratie, les droits de l’Homme, étouffent l’expression plurielle, étouffent l’avenir de la jeunesse africaine. On a le sentiment que les libertés individuelles que vous respectiez en France, les droits de l’Homme que vous respectez en France, on a l’impression que vous considérez que nous n’avons pas droit à cela ».
La France, qui se dit une nation de liberté et de démocratie doit-telle prendre en mal les mouvements d’humeur des populations par rapport à sa politique qu’elle mène dans nos pays ?
Monsieur le Président, les populations du Sahel ont gros sur le cœur et elles n’ont d’autres moyens que d’organiser des manifestations et dénoncer votre politique de divisionniste.
Monsieur le Président, au Mali, ils sont des millions de personnes à avoir à l’esprit que vous avez interdit aux FaMa de rentrer à Kidal lors de la réoccupation. Ils sont des millions à vous en vouloir sur la pression que l’Etat français a exercée sur les autorités maliennes pour l’ouverture de négociations avec les rebelles du MNLA qui a abouti à la signature du fameux Accord d’Alger. Un accord qui reste inapplicable dans son intégralité.
Emmanuel Macron, voulez-vous que nos populations restent les bras croisés sur le nombre de militaires et civils tués alors que vous auriez pu faire quelque chose ? Comment voulez-vous que les populations ne se « révoltent » quand plus de 30 000 militaires sont déployés sur le terrain pour les sécuriser et qu’aucun signe d’espoir de paix ne pointe à l’horizon.
Emmanuel Macron, les populations maliennes ne comprennent pas l’embargo militaire imposé à leur pays. Depuis plusieurs années, notre armée ne peut accéder à certains types d’armements sans que vous ne donniez votre aval.
Monsieur le Président, ce sont des attitudes complaisantes et outrageantes qui alimentent tous les ressentiments « anti français ». Si le Président français est pour la démocratie, donc la pluralité des opinions dans un Etat, il ne peut attendre que l’opinion publique africaine soit aphone sur les sujets évoqués. De même que les opinions se croisent en France, on ne peut s’attendre à une dictature dans les pays du Sahel Monsieur le Président Macron.
Macron, vous pouvez parler mille fois à nos chefs d’Etat, vous pouvez leur donner des instructions, ça ne changera rien dans la tête des populations africaines. L’idée est que nous voulons redevenir des hommes libres, libres de dire ce que nous pensons, libres de dénoncer la politique française dans le Sahel libre, mais nous ne sommes pas des anti-français comme vous le prétendez !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet essai d’intimidation de M. Macron envers les président des pays du G5 Sahel, envers les populations, nous rappelle la méthode du Président De Gaulle qui, on se souvient avait utilisé presque les mêmes procédés pour arriver à ses fins.
En effet, le Général De Gaulle en 1958, a parcouru l’Afrique des colonies françaises pour demander de voter « Oui » ou « Non » à la constitution française. Il a usé de menaces pour obtenir son « Oui ». Le seul pays qui a dit « Non », a été la Guinée qui a été traitée par la suite d’ennemi à abattre.
Mohamed Keita