Gestion des affaires publiques : Pourquoi la lutte contre délinquance financière s’est essoufflée

Après l’incarcération de deux grosses prises, Bakary Togola de l’APCAM et le maire de Bamako, Adama Sangaré et celle de quelques élus municipaux, véritables menus fretins, la lutte contre la délinquance financière semble aux arrêts. Simple effet d’annonce ou règlement de compte politique

« De la justice à l’acharnement !» Cette manchette d’un journal de la place la semaine dernière traduit le sentiment qui domine au sein de l’opinion publique nationale autour de la promotion de la bonne gouvernance ou de la lutte contre la délinquance financière.

En effet, en annonçant leur farouche volonté de lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance dans le pays, les plus hautes autorités avaient séduit l’opinion. Le discours avait été salué avec l’espoir que les actes allaient suivre. Mais, la suite a révélé que la volonté de freiner le fléau, qu’avait dénoncé un diplomate allemand en fin de mission à Bamako, n’était pas réelle ou que cette volonté proclamée devrait heurter plusieurs obstacles.

Le premier obstacle est que le pouvoir IBK était à des niveaux insoupçonnés impliqués dans des affaires aux senteurs de corruption et de détournements de fonds publics.

En effet, dès son avènement, IBK dans sa volonté de s’acheter un avion présidentiel avait permis au loup des malversations financières d’entrer dans sa bergerie. Des ministres et hauts cadres de l’Etat, dont certains très proches du chef de l’Etat, s’étaient retrouvés au cœur même du dossier de cet avion présidentiel. Et, jusqu’à ce jour, nul ne peut dire avec exactitude le prix de l’avion présidentiel entre les 10 milliards, 17 milliards ou les 20 milliards F CFA évoqués à diverses occasions par de hauts responsables du pays. Et pour cette affaire, malgré les récriminations du FMI pour une gestion scabreuse des finances publiques du pays en ce moment, aucun cadre cité dans le dossier n’a été pénalement inquiété.

Ce fut ensuite le tour de l’affaire des équipements militaires dont le cerveau semble, jusqu’à aujourd’hui, avoir été le ministre de la Défense d’alors, devenu Premier ministre plus tard, Soumeylou Boubèye Maïga. Plusieurs milliards F CFA étaient en cause et d’aucuns disent même que cette affaire aurait eu des ramifications jusqu’au haut niveau de l’Etat et d’autres ministres et même des députés y auraient été mouillés. Là aussi, personne n’a été inquiété par la justice, alors que ces crimes présumés de détournements de deniers publics avaient causés de grands préjudices surtout à l’Armée nationale. Ses  contre-performances, sur le théâtre des opérations de lutte contre le terrorisme,n’ont-elles pas entraîné la mort de plusieurs militaires  et la désolation dans plusieurs familles? Malgré les dénonciations répétitives émanant de l’opposition en ce temps-là, les autorités judiciaires n’ont rien fait pour poursuivre les potentiels délinquants dans ces affaires.  Comment pouvaient-elles investiguer dans des dossiers où des membres de la famille présidentielle, de hauts gradés, de hauts cadres de l’Etat avaient leur barbe sérieusement mouillée ? De telles investigations ne mettraient–elles pas au grand jour des pratiques peu orthodoxes au sein même de la présidence de la République ? L’on comprend donc aisément pourquoi la justice n’a marqué aucun zèle à ces niveaux.

Le dernier dossier en date, celui des aéronefs cloués au sol a aussi rapidement mis sous éteignoir. Qui sont les commanditaires, les ordonnateurs et entremetteurs de ce marché d’aéronefs cloués au sol ? Nul ne le sera peut-être jamais.

La justice s’est contentée à peine d’un service minimum en se hâtant de mettre la main sur quelques maires cités dans des affaires foncières, sur le président de l’APCAM et sur le maire du district de Bamako, respectivement poursuivis dans une affaire de ristournes de cotonculteurs et dans une affaire d’éclairage public.Ce qui, au final, apparaît comme un trompe-l’œil, par rapport à l’ampleur des détournements de deniers publics au Mali.

Et nombre d’observateurs n’hésitent pas à percevoir des senteurs de règlements politiques dans ces « petites affaires ». Le ministre de la Justice et le Procureur du Pôle économique et financier prouveraient le contraire en éventrant d’autres dossiers dans lesquels l’argent du pauvre contribuable malien a souffert. Ce ne sont pas ces dossiers qui manquent. Peut-être la volonté d’abandonner simplement les…. deux poids deux mesures.

Boubou SIDIBE

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