Ça chauffe au sein du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, surtout à la veille de la célébration du 8 Mars. Et pour cause ! La ministre Aïssata Kassa Traoré, sa directrice des Finances et du Matériel, Mme Aïssata Hamar Traoré, sont accusées de «malversations financières, de détournements, de mauvaise gestion des fonds publics.». Déjà, une structure de contrôle des fonds publics a été saisie afin de faire la lumière sur cette affaire qui risque de défrayer la chronique dans les jours à venir. Les noms d’autres cadres du Département sont également cités dans des malversations financières. Il s’agit du secrétaire général du Département, Siaka Magassa, de la conseillère technique chargée du Genre, Mme Kéïta Yiraba Kéïta, ainsi que la directrice nationale de la Femme.
Bombardée ministre en charge de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Dr Aïssata Kassa Traoré traverse aujourd’hui une zone de turbulence à cause de son “propre comportement” vis-à-vis de ses collaborateurs. En d’autres termes, la fille de Kassa Traoré ne parle plus le même langage que beaucoup de cadres du ministère qu’elle pilote.
Aujourd’hui, on peut dire sans risque de se tromper que le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, s’est trompé sur le choix de Mme Aïssata Kassa Traoré pour occuper le portefeuille d’un département aussi stratégique que celui de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. En plus de ses proches collaborateurs, la ministre est décriée par les partenaires à cause de son “incompétence” dans la gestion des affaires.
Quelques mois seulement après la prise de fonction du Dr Aïssata Kassa Traoré, ce fut des départs en cascade à cause de “son inaptitude, sa susceptibilité démesurée et des comportements déplacés”. Le chef de Cabinet, une de ses chargés de mission, le conseiller juridique et même le secrétaire général étaient obligés de rendre le tablier, puisque la collaboration était devenue insoutenable. Depuis quelques semaines, la ministre Aïssata Kassa Traoré et sa directrice des Finances et du Matériel (Dfm) Mme Aïssata Hamar Traoré sont soupçonnées de “détournements de plusieurs millions de Fcfa”. Cela a été découvert suite à une lettre anonyme de dénonciation “des faits de pratiques de délinquances financières et d’abus de gestion de fonds publics”, qui a déjà saisi les structures compétentes. Selon nos informations, le dossier se trouve déjà sur la table du Procureur du Pôle économique et financier, Mahamadou Kassogué pour les besoins d’enquêtes.
Dans cette lettre anonyme dont nous détenons une copie, Mme Aïssata Kassa Traoré et sa Dfm, Mme Aïssata Hamar Traoré, sont accusées de “malversations financières, de mauvaise gestion des fonds des structures du département, d’attributions délibérées et dirigées de marchés à des proches, l’établissement de vrais faux contrats… “.
S’agissant de “détournements” des budgets alloués aux services, programmes et projets, il ressort dans le document que “plusieurs structures rattachées au département n’ont effectivement pas bénéficié de leurs crédits suivant les Arrêtés d’ouverture de crédit de paiement.
Le fonctionnement des structures y compris des programmes et projets connait de sérieux dysfonctionnements tant au titre des dépenses en matériels et fonctionnement des services, du fonctionnement lié à l’investissement et dépenses en investissement.
Par exemple, bon nombre de structures indiquées dans les Arrêtés d’ouverture de crédit n’ont bénéficié au cours de 2019 et pour certains depuis 2018, d’aucun service de maintenance, cependant leurs crédits sont ouverts. Quelle utilisation la Dfm, Mme Aïssata Hamar Traoré a-t-elle fait de ces différents crédits ? Aussi, l’accès Internet de nombreux services a été coupé depuis des mois sans la moindre information au préalable des différents responsables desdites structures à la demande de la Dfm de manière unilatérale ? Pourquoi lesdits services sont restés et restent sans connexion Internet ? Que sont devenus les crédits alloués à cet effet ?”.
Autres griefs, c’est la mauvaise gestion des crédits alloués pour la mise en œuvre des projets à des fins de prise illégale d’intérêt, de favoritisme ou de trafic d’influence dans la gestion des contrats de marchés publics.
“Au titre du 2ème semestre pour le crédit de paiement, le Ministère a obtenu des centaines de millions de Fcfa (plus de 700 millions de Fcfa) pour des activités de réhabilitation d’infrastructures, d’acquisition d’équipements et matériels.
Les projets concernés sont les suivants : Appui à la Valorisation Filières Porteuses (71 250 000 Fcfa) Projet Appui Promotion Femmes Rurales (118 750 000 Fcfa) Réhabilitation Centres Autopromotion Femmes (68 831 000 Fcfa) Appui Autonomisation Femmes Filières Agro-Sylvo-Pastorale Karité (69 750 000 Fcfa) Plateforme Multifonctionnelle de Lutte contre la Pauvreté (Fonctionnement lié à l’investissement Dépenses en Investissement (71 250 000 Fcfa) Projet Réhabilitation Centre Lutte contre Excision (71 250 000 Fcfa) Equipement Maisons des Femmes et Enfants (47 500 000 Fcfa) Centre d’Accueil et de Placement Familial (285 694 000 Fcfa) Lutte contre Abandon Enfants (47 500 000 Fcfa) Construction et Equipement Pouponnière Bamako (95 000 000 Fcfa) Cité des Enfants (Dépenses en Investissement / Subvention aux établissements publics : environ 100 000 000 Fcfa / Electricité & Téléphone : 51 150 000 Fcfa). Sans oublier le Centre Aoua Kéïta (Entretien des bâtiments (rénovation) / Dépenses Matériel & fonctionnement des services / Entretien matériel informatique) quelle utilisation est faite de son crédit ouvert pendant que le centre est formellement fermé ? et Suivi de l’exécution des recommandations issues des concertations et des réunions statutaires de la PNG : (16 585 000 Fcfa pour aucune action réalisée).
Qu’en est-il de l’utilisation des financements desdits projets ?”.
Le marché d’équipements en matériels du Centre Auto Promotion des Femmes à Yirimadio fait aujourd’hui polémique. Ainsi, le marché a été attribué à l’Etablissement Begnè Niaré pour un montant de 64 659 035 Fcfa. “Le paradoxe est qu’il y eu qu’un seul et unique pli à l’ouverture. D’où un possible octroi de marché de gré à gré. L’Etablissement Begnè Niaré est principalement spécialisé dans l’électrification et le froid. Donc on sent un odeur de favoritisme sur fond d’abus de pouvoir par la DFM, Mme Aïssata Hamar Traoré” selon la lettre anonyme.
La gestion frauduleuse et de détournement des financements ABS octroyés au Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille relatif à la mise en œuvre des activités du Prodess ont été également dénoncés. Il s’agit d’un montant de plus de 600 millions de Fcfa. “Un fait inédit a été la pression exercée sur les responsables des Directions régionales en marge de l’atelier tenu le 8 novembre 2019 sur le dialogue intergénérationnel. En effet, à la suite d’une très longue réunion de pression et de négociation, le secrétaire général du département a obligé les Directeurs régionaux de prélever individuellement 750 000 Fcfa au projet du Ministre. Donc un montant de 6 millions de Fcfa a été frauduleusement, et de façon abusive, obtenu sur les financements régionaux de mise en œuvre des activités ABS. Ledit montant a effectivement été remis au Ministre courant la quinzaine de décembre 2019″.
En ce qui concerne le fonctionnement des Comités de lutte pour l’abandon des pratiques néfastes, là aussi Dr Aïssata Kassa Traoré et sa Dfm ne sont pas épargnées. “Ainsi, les régions de Ségou et de Sikasso ont bénéficié d’un appui financier de 4 300 000 Fcfa pour la tenue des réunions statutaires au niveau de trois cercles de chacune des régions courant le dernier trimestre 2019. Chaque cercle devait recevoir 750 000 Fcfa soit 2 150 000 Fcfa par région.
Tenez-vous bien, un montant de 200 000 Fcfa a été envoyé à chacune des deux régions au compte de l’ensemble des trois cercles par région. Plus clairement, sur 4 300 000 Fcfa, seulement 400 000 Fcfa, soit 10% du montant total, ont été envoyés et avec comme instruction, de justifier 750 000 Fcfa par chacun des trois Cercles”.La Dfm, Mme Aïssata Hamar Traoré et la conseillère technique chargée du Genre, Mme Kéïta Yiraba Kéïta, sont citées dans une affaire de “faux ordres de missions”.
Autres griefs, il s’agit d’une série de faits troublants de corruption et de détournement au niveau du Département : “Il s’agit de la perception frauduleuse de 13 millions de Fcfa représentant les ristournes extorquées de la vente des pagnes du 8 Mars consacré à la Journée internationale de la femme. Cela à la faveur d’abus d’autorité et de pouvoir avec la complicité tacite de l’Ex-Dfm, Mme Traoré Kadiatou Faye”. Là aussi, le nom de la ministre Aïssata Kassa Traoré est cité.
“Le ministre Aïssata Kassa a frauduleusement perçu sur fond de marchandage entre 12 à 18 millions de Fcfa sur fond de chantage, d’extorsion, de pression et d’abus pour la nomination de Mme Binta Bocoum au poste de Coordinatrice du nouveau Programme Karité de 4 ans financé par la BAD à hauteur de 4 milliards de Fcfa. Cette affaire a défrayé les esprits au sein du ministère.
Le transfert desdits montants aurait été fait à travers une Association”, précise la lettre anonyme de dénonciation.
Et pourtant, une lettre ouverte de dénonciation des pratiques de dérives et de malversations financières avait été adressée à la ministre Aïssata Kassa Traoré en décembre 2019. “Mme la ministre, votre gouvernance et votre leadership sont et demeurent de manière manifeste et visible, très contestés et décriés mettant nettement en cause toutes vos capacités. De ce fait, s’ensuit un doute fort sur votre personne et votre expérience professionnelle à assurer et assumer pleinement le partage politique et stratégique des défis et enjeux pour faire progresser la réalisation des Agendas de promotion de la femme, de l’enfant et de la famille.
Ce qui fait croire que le ministre actuel que vous êtes, ne soit pas le meneur de poigne hautement capable, mais c’est tout comme … au point que l’on s’interroge : le Ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille est-il une institution en hibernation.
Plus clairement, vous êtes manifestement indexée à tort ou à raison comme étant largement en dessous de tout et incapable d’assurer, de manière agissante, le moindre leadership et responsabilité notamment institutionnel et politique du département” dit cette lettre ouverte. Avant de préciser : “Mme la Ministre, votre méthode de gouvernance est très mauvaise et est préjudiciable à l’efficacité et à la performance pour la réalisation des missions, rôles et responsabilités diverses”.
D’autres révélations dans notre prochaine parution
El Hadj A.B. HAIDARA