On sait que la démocratie pleure et vacille depuis longtemps au Mali. Les larmes de 1990 étaient de tristesse parce que nostalgiques d’un rêve d’accomplissement d’hommes, de femmes et surtout de jeunes portés par une espérance légitime qui a par moments tournée à la folie meurtrière. Les larmes de 2020 par contre sont de désespoir et d’affliction causées par un profond sentiment de trahison et de reniement à tous les niveaux.
LE MALI EST MALHEUREUSEMENT VICTIME DE SES PROPRES ENFANTS
Le mouvement démocratique, celui des justes, a fini étouffé et assassiné dans son bain de baptême. Des loups alors parés de la peau de l’agneau sacrificiel ont investi la place, tenant un discours de rêve pour mieux travestir les aspirations légitimes et conduire le peuple malien dans le bois sacré de la perversion, vampirisant la jeunesse et jetant aux orties toutes les vertus d’une république fécondante et refondatrice. La « démocratie à la malienne » désormais balafrée au fer rouge de la duplicité, méconnaissable parce qu’infanticide et cannibale, nourrie à l’eau infecte de la corruption et du clientélisme, a pris le visage d’une vraie « démoncratie » pour se vautrer dans la fange des égouts, devenant par la même occasion un repoussoir pour les dignes patriotes qui se sont imposés une retraite sabbatique en attendant mieux. Ainsi, après avoir brillé à travers des siècles grâce au sacrifice d’hommes de conviction et de devoir, le Mali est devenu la proie de ses pires ennemis. En effet, certains de ses propres enfants dépités et certainement déçus d’une gouvernance de coterie, ont choisi de tourner les armes contre lui ; d’autres sans doute grisés par le libertinage ambiant et l’impunité, se livrent au pillage systématique des ressources et des biens publics, plongeant veuves et orphelins dans un dénuement indicible. Aucun ennemi extérieur n’est donc responsable de nos malheurs. Avec des responsables se comportant comme des requins, le Mali a- t-il besoin d’ennemis extérieurs pour descendre en Enfer ? C’est pourquoi, la solution est à chercher à l’intérieur, en nous-mêmes. Et il est heureux de constater que tous les acteurs majeurs de cette tragédie sont vivants et la plupart encore aux affaires.
TEL UN ÂNE CHARGÉ DE LIVRES, CERTAINS RESPONSABLES…
Les élections législatives de mars 2020 et les alliances politiques en cours conduisent à la même conclusion implacable découlant du questionnement suivant : existe-t-il encore une majorité et une opposition politique au Mali ? Si non, pourquoi verser une subvention aux partis politiques maliens en général et au chef de file de l’opposition politique en particulier ? Les sommes colossales ainsi malicieusement distraites du Trésor Public ne devraient-elles pas tout simplement être affectées à l’effort de guerre ? Surtout, ne devrait-on pas trouver une autre appellation pour des « députés » dont les conditions d’élection n’ont rien d’honorables ? Honte à ceux qui trafiquent et complotent sur le dos du peuple au nom de la démocratie. Tel un âne chargé de livres, certains responsables sont totalement ignorants du trésor spirituel et moral que leur charge leur impose. Le nanisme politique a malheureusement pris pied, produisant dans la foulée une flopée de politiciens d’opérette incapables de porter un quelconque héritage de travail, d’honneur et de vertu. L’histoire sera sans pitié pour certains dont le nom sera à jamais associé à la corruption, la médiocrité et la trahison de leur pays. Aujourd’hui, on trouve des Maliens qui revendiquent fièrement l’héritage de Modibo Kéita et même dans une certaine mesure celui de Moussa Traoré pourtant accusé en son temps de tous les péchés d’Israël. Qui réclame l’héritage d’Alpha Oumar Konaré ou celui d’ATT ? Et qu’en sera-t-il pour IBK vu l’état de déconfiture avancée et provoquée du RPM ? Depuis 1992, les pouvoirs successifs ont passé le clair de leur temps à épier et surveiller des adversaires politiques à qui ils n’offrent d’autre alternative que celle de rejoindre les rangs. Comment peut-on travailler durablement pour l’avenir lorsqu’on passe son temps à surveiller partisans et adversaires? Autant des frères et sœurs utérins peuvent parler sans tabou des pratiques de sorcellerie de leur mère, autant il est temps qu’on arrête de se voiler la face en accusant les autres pour nos propres manquements. En vérité, les « djihadistes » qui ne jurent que par la fermeture des écoles et la fin de la démocratie font moins mal à notre pays en termes d’image et de valeur qu’une liste électorale constituée par la majorité et l’opposition (RPM-URD) pour élire des représentants à l’Assemblée Nationale. Où est le sérieux dans cette affaire ?
Malgré les vicissitudes du moment, le Mali dispose encore de personnes ressources à l’intérieur comme à l’extérieur, capables de briser la mafieuse chaîne constituée par la connivence des élites, pour sortir le pays du pétrin. Après les réformes constitutionnelles projetées et la clarification des missions, la dissolution de l’Assemblée Nationale deviendra une exigence démocratique et une véritable question de salubrité publique.
Mahamadou Camara