Taux d’abstention record pour le 1er tour des municipales, bouleversé par le coronavirus

Un homme portant des gants en latex tient sa carte électorale avant de voter dans un bureau de vote lors du premier tour des élections municipales à Paris, alors que la France est aux prises avec une épidémie de coronavirus, le 15 mars 2020.
Un homme portant des gants en latex tient sa carte électorale avant de voter dans un bureau de vote lors du premier tour des élections municipales à Paris, alors que la France est aux prises avec une épidémie de coronavirus, le 15 mars 2020. REUTERS/Gonzalo Fuentes

Avec une abstention record estimée à 56%, les Français ont déserté les bureaux de vote ce dimanche lors du 1er tour d’élections municipales hors du commun, organisées tant bien que mal dans un pays mis à l’arrêt par la pandémie de coronavirus.

Le premier tour des élections municipales, perturbé par la pandémie du coronavirus, s’est terminé ce dimanche soir à 20h sur un taux d’abstention record situé à 56% selon les estimations de l’Ifop.

Parmi les quelque 47,7 millions d’électeurs appelés à élire leur maire, moins de la moitié aura au final glissé un bulletin dans l’urne, dans une ambiance générale surréaliste après que le gouvernement a décrété samedi soir la fermeture de tous les « lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays ».

Ces chiffres historiquement élevés dépassent de près de 20 points le précédent record de 2014 (36,45% d’abstention). Une forte interrogation pèse sur la tenue du second tour, dimanche prochain, dans un pays où l’épidémie (127 morts dimanche soir) n’en est qu’à ses débuts, selon tous les spécialistes.

Taux d'abstention au premier tour des élections municipales, 15 mars 2020
Taux d’abstention au premier tour des élections municipales, 15 mars 2020 France24 / RFI

Un scrutin crucial pour Les Républicains et le Parti socialiste

Le président Emmanuel Macron a souligné dimanche qu’il était « important de voter dans ces moments-là », après s’être rendu dans l’isoloir avec son épouse Brigitte au Touquet.

Le ministère de l’Intérieur a indiqué que tous les bureaux de vote du territoire avaient pu ouvrir, au prix d’un respect scrupuleux des consignes de distanciation et de priorisation des personnes âgées et fragiles, et en dépit de difficultés dans nombre d’endroits.

Dans ce contexte inédit, l’attention portée aux premiers résultats est diluée. Pourtant, le scrutin est crucial pour Les Républicains, arrivé largement en tête en 2014, comme pour le Parti socialiste mis en déroute aux dernières élections nationales.

Au Havre, Édouard Philippe mis en ballottage

Alors que les résultats des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille…) qui concentrent les enjeux politiques sont attendus plus tard dans la soirée, les regards sont tournés vers Le Havre, fief d’Édouard Philippe, où celui-ci est selon une estimation mis en ballottage avec 43% des voix par le communiste Jean-Paul Lecoq (34%).

Le Premier ministre, qui avait été élu au 1er tour en 2014, est sous la menace d’une large coalition face à lui: son adversaire parviendra-t-il à capitaliser sur le vote sanction pour attirer les voix de l’écologiste Alexis Deck (9%) et du candidat du Rassemblement national Frédéric Groussard (8%), qui devraient ne pas pouvoir postuler au deuxième tour ? Battu, sa position à Matignon deviendrait en tout cas intenable.

Candidats et partis réduisent leurs soirées électorales

Coronavirus oblige, candidats et partis politiques ajustent quasiment heure par heure leur organisation pour les élections municipales en fonction de l’évolution de l’épidémie et des mesures gouvernementales.

Le Rassemblement national ne prévoit plus qu’une prise de parole de Marine Le Pen, sans question ou participation en direct aux émissions spéciales.

Le siège du parti Les Républicains restera fermé au public toute la journée. Sa candidate dans la capitale, Rachida Dati, ne conviera pas les militants à sa déclaration à l’issue du premier tour.

Même logique pour la candidate LREM à la mairie de Paris, Agnès Buzyn. Ses équipes de campagne avaient initialement prévu une soirée avec les militants dimanche mais ont annoncé samedi la remplacer par une déclaration uniquement ouverte à la presse.

Les écologistes changent aussi leur programme parisien et prévoient désormais une prise de parole en extérieur.

Le second tour aura-t-il lieu ?

La barre relativement basse (10% des suffrages exprimés au 1er tour), au-dessus de laquelle une liste peut se maintenir, devrait se traduire par une multiplication des triangulaires, voire des quadrangulaires, au second tour.

À l’issue du vote dimanche, les candidats autorisés à se maintenir auront jusqu’à mardi 18h pour trouver des alliés ou fusionner leurs listes en vue du second tour. S’il a lieu. Le chef de file d’EELV Yannick Jadot, le chef des députés LR Damien Abad, ainsi que le député LFI François Ruffin, ont demandé le report du second tour, tandis que le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a demandé que la décision du gouvernement sur l’annulation ou non du second tour des élections municipales soit « prise le plus tôt possible ». Marine Le Pen (RN) a quant à elle estimé que « le second tour n’aura manifestement pas lieu compte tenu de l’aggravation prévisible de l’épidémie » de coronavirus, et réclamé de considérer comme « acquises » les victoires au premier tour et « reporter les autres ».

Édouard Philippe a annoncé ce dimanche qu’il réunirait « à nouveau en début de semaine » les experts scientifiques et « les représentants des forces politiques » afin de prendre une décision sur le second tour des municipales. Si le premier tour « s’est parfaitement déroulé […], le taux d’abstention élevé que nous enregistrons témoigne cependant de l’inquiétude grandissante de nos concitoyens face à l’épidémie qui nous frappe », a ajouté le Premier ministre. Il est soumis à une intense pression après avoir choisi de maintenir ce premier tour malgré le contexte sanitaire qui n’épargne pas la classe politique, à l’image du président des Républicains Christian Jacob, testé positif au coronavirus dimanche.

Selon le constitutionnaliste Didier Maus, interrogé par l’AFP, un report du second tour conduirait à annuler le résultat du premier tour, et obligerait les électeurs à revoter pour les deux tours.

Source : RFI

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