UE : pas encore l’union sacrée face au coronavirus

L’épidémie de Covid-19 est un défi pour l’Europe. Un défi sanitaire bien sûr. Mais également un défi économique. Avec un confinement général décrété en Italie, Espagne, France, Autriche, Belgique notamment, l’économie tourne au ralenti. Pour faire face, des décisions inédites ont été prises. Mais les différences de vue entre les fronts du Nord et du Sud ne parviennent pas encore à s’estomper complètement.

Le Sud réclame davantage de solidarité pendant que le Nord ne se départit pas encore complètement de sa prudence budgétaire. Une division qui n’est pas nouvelle mais, cette fois l’Espagne et l’Italie sont d’autant plus demandeuses d’un front commun européen qu’elles sont durement touchées par le coronavirus.

L’Italie est le premier pays européen à avoir pris des mesures drastiques pour contrer la vague de contamination, leur effet se ressent donc depuis plus longtemps. Les premières ont été prises il y a plus d’un mois, localement d’abord avant d’être peu à peu élargies.

Difficile évidemment de faire des prévisions tant l’avenir proche est flou. Mais, l’agence de notation Fitch table sur une chute de 2% de l’économie italienne cette année. Plus pessimiste, les analystes d’Oxford Economics misaient, la semaine dernière, sur une contraction du PIB de 3,5%. Une estimation faite avant que le gouvernement mette à l’arrêt les activités productives non essentielles.

« 2020 n’aura pas douze mois »

De l’autre côté de la méditerranée, l’économie espagnole souffre également. Le gouvernement a prévenu que le produit intérieur brut baisserait. Pedro Sanchez, le Premier ministre, l’explique très clairement. En fait 2020, « n’aura pas 12 mois, mais seulement 10 voire 9 ». Là encore, difficile à ce stade de faire des pronostics précis. Pour l’instant,  Standard and Poors prédit une baisse de 1,8 % du PIB en 2020.

Il faut dire que partout le tourisme est durement touché. Or, il représente 12% du PIB de l’Espagne. Autre secteur de poids dans le pays : la construction automobile. Et elle est à l’arrêt, même si certaines entreprises en profitent pour fabriquer du matériel médical. Mais, Pedro Sanchez reste optimiste et n’exclut pas une courbe en V de la croissance, c’est à dire une reprise rapide après la fin des mesures sanitaires, un scénario qui ne fait plus l’unanimité.

Entorse à la discipline budgétaire

Pour faire face des plans de soutien à l’économie ont été mis en place : 25 milliards d’euros mis sur la table par Rome pour son plan « Soigner l’Italie », Madrid débloque dans un premier temps 18 milliards et c’est sans parler des garanties de prêt.

Des dépenses publiques qui ne suscitent pas de controverse au niveau européen. Au contraire, les Vingt-Sept ont brisé un tabou et suspendu les règles de discipline budgétaire qui interdisent notamment de dépasser les 3% de déficit. La clause dérogatoire générale n’avait jamais été utilisée jusque-là.

Par ailleurs, les services de Margrethe Vestager, la commissaire en charge de la Concurrence, tournent à plein régime pour évaluer et donner l’aval à des aides publiques aux entreprises.

Le MES sur la table

Mais l’Italie et l’Espagne, soutenues par la France, espèrent davantage. A commencer par la mise en œuvre du Mécanisme européen de stabilité (MES). Le MES, qui dispose d’une puissance de feu de plus de 400 milliards d’euros, a pour principale fonction de sauver les pays qui perdent l’accès à l’emprunt. Ce n’est pas le cas actuellement, mais il peut également offrir une garantie de prêt. En clair, il mettrait à disposition une somme d’argent. En théorie, elle ne serait jamais utilisée par l’État bénéficiaire mais cela rassurerait les marchés qui prêteraient plus volontiers et donc a priori à des taux plus avantageux.

Mais, après deux heures de discussion par visio-conférence ce mardi 24 mars au soir, les ministres des Finances de la zone euro ne sont pas tombés d’accord. Ils laissent la main aux chefs d’État et de gouvernement qui doivent s’entretenir ce jeudi.

L’Italie ne veut pas être seule à en bénéficier

Selon Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe, l’instrument bénéficierait d’un large soutien mais « les détails doivent encore être précisés ». Les Pays-Bas estiment que c’est trop tôt, qu’il faut garder des armes en réserve.

La question de la conditionnalité de la mesure doit aussi être éclaircie. En théorie, des conditions sont posées lors du déclenchement du MES mais certains, dont le ministre français de l’Économie, estiment que dans les circonstances actuelles, elles n’ont pas lieu d’être.

Autre point à trancher : le périmètre de l’aide. L’Italie par exemple, est réticente à demander cette aide toute seule. Rome craint d’être stigmatisée, de donner l’impression qu’elle est sous assistance et donc d’effrayer les marchés. Sa dette publique atteint déjà 135% du PIB. Oxford Economics prévoit que le taux d’endettement grimpe au-delà des 140% d’ici la fin de l’année. Si les taux d’emprunt s’envolent, cela pourrait coûter cher au pays.

Vers des « Coronabonds » ?

D’autres mesures sont-elles à l’étude. L’Italie, l’Espagne et la France notamment plaident pour l’émission dans un second temps de « Coronabonds », des obligations qui mutualiseraient les dettes des pays de la zone euro pour répondre à la crise économique. Mais l’Europe est encore très divisée à ce sujet. Le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier, juge inutile d’organiser « un faux débat dans lequel chacun déterre sa solution préférée d’il y a 5 ou 10 ans ».

L’Espagne plaide aussi pour un plan Marshall pour l’économie européenne. Mais les pays du Nord, Berlin et La Haye en tête, estiment que la relance massive annoncée par la Banque centrale européenne, si elle est soutenue par des dépenses au niveau national, est pour l’instant suffisante. L’union sacrée face au coronavirus, ce n’est donc pas pour aujourd’hui.

Source : RFI 

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