Flux d’armes de Libye vers le Mali : Une source de réarmement pour les groupes armés

Un Institut spécialisé en armement a examiné les armes récupérées à Gao, Sévaré et Tombouctou ainsi que des données dont la véracité a été vérifiée sur les saisies d’armes effectuées dans les régions de Gao (Ménaka et Touzzek), Kidal (Kidal et Tessalit), Mopti (Dialloubé) et Sikasso (Misséni). Ces données combinées fournissent un aperçu des armes et engins explosifs improvisés (EEI) utilisés par les groupes armés pro-gouvernementaux, séparatistes et islamistes dans la région du sud du Mali, frontalière avec la Côte d’Ivoire, et dans les régions septentrionale et orientale, frontalières avec le Burkina Faso voisin.

 Cet Institut a confirmé que des armes de petit calibre 6, des munitions de gros calibre, des MANPADS 7 et des mines anti-véhicules en provenance de Libye ont été fournies à la fois aux groupes armés islamistes et aux mouvements armés séparatistes au Mali.

Depuis le début des opérations visant à reprendre le nord du Mali (Opération Maliba) à la mi-2013, les forces armées maliennes (FAMa) ont récupéré des obus de 106 mm et de fabrication belges au sein des arsenaux contrôlés par les acteurs armés ou dissimulés dans des caches de la région de Gao.

Selon les licences d’exportation d’armes belges, le fabricant (les Poudreries Réunies de Belgique (PRB)), n’a jamais exporté de munitions 106 mm au Mali. L’entreprise a toutefois exporté d’importantes quantités d’obus NR160 vers la Libye au cours des années 1980, avec des numéros de lot proches de la séquence relevée au Mali (Obus NR160A1 avec le numéro de lot 8-9 (1980), documenté à Sebha, en Libye, en juillet 2015 ; obus NR160A1 avec le numéro de lot 8-8 (1980), faisant partie du matériel saisi après 2013 lors de l’Opération Maliba, à Gao, au Mali, et documenté en septembre 2015.

Les groupes armés du nord du Mali confectionnent régulièrement des EEI utilisant des mines anti véhicules PRB M3. Le régime de Kadhafi a détenu d’importantes quantités de ce type de mines au cours des années 1980. L’Institut a documenté la présence de mines PRB M3 affichant les numéros de lot BMP 1-19 et BMP 1-21 à Sebha (Libye) ainsi qu’une mine PRB M3 avec le numéro de lot BMP 1- 20 récupérée près de Kidal, au nord du Mali, en juin 2015. Il demeure incertain si les mines M3 fréquemment observées au Mali proviennent des stocks libyens ou des champs de mines situés le long des frontières de la Libye. Des responsables tchadiens ont confirmé que l’armée libyenne a disséminé de nombreuses mines PRB M3 le long de la frontière, lors du conflit entre le Tchad et la Libye et de l’occupation de la bande d’Aouzou dans les années 1990.

Les habitants de la région du Tibesti, au nord du Tchad, indiquent également que les champs de mines dans cette région servent occasionnellement de sources d’approvisionnement pour les réseaux de trafic qui transitent par le nord du Niger et pour les groupes armés opérant dans la région du Sahel.

Avant la chute de Kadhafi, la principale route de transit des armes et des groupes armés entre la Libye et le nord du Mali a historiquement transité par la région connue sous le nom de Passe de Salvador, le long des frontières algérienne et nigérienne. Cette route traverse ensuite les régions Tahoua et du Tillabéry à l’ouest du Niger, entrant au Mali par la région où se croisent les triple frontière Niger-Mali-Burkina Faso. Des combattants touareg et des civils, ont notamment utilisé cette route pour se déplacer entre Oubari et Sebha, dans le sud de la Libye, et la région de Kidal, au nord du Mali (Lacher, 2014).

Des combattants touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) déclarent qu’ils ont également reçu du matériel et un soutien logistique, à des conditions commerciales, de la part de convois Tobou entre Sebha et Kidal.

Les interviews réalisées avec des membres touareg appartenant à des groupes armés loyalistes et séparatistes, ainsi que les saisies réalisées par les forces internationales, indiquent que cette voie est devenue plus difficile à emprunter en raison d’une surveillance accrue. Toutefois, des convois transportant des combattants, des armes et d’autres fournitures ont continué à l’utiliser au moins jusqu’à la mi-2015 (bien que le nombre et la taille des convois aient diminué par rapport à la période 2011-13).

Ces mouvements continuent d’être orchestrés par une combinaison de loyautés communautaires et commerciales. Par exemple, les combattants touareg de toutes les parties engagées dans le conflit séparatiste du Mali estiment que, immédiatement après que le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), pro-gouvernemental, aient pris la ville stratégique d’Anefif à la mi-août 2015, chassant le mouvement anti-gouvernemental du MNLA à forte composante IfoghasTuareg, un convoi important de personnel Touareg Imghad et Ifoghas a quitté Sebha en Libye pour ravitailler leurs homologues touareg au Mali. Ces combattants auraient voyagé ensemble jusqu’à Aguelhok, avant de se séparer en deux groupes, l’un soutenant les forces GATIA et l’autre les forces du MNLA ennemi.

Rassemblés par O.O

Source :  Le Matin


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