Grâce présidentielle d’IBK : Me Alassane Diop accuse, le département de la Justice se défend

Dans une note, publiée ce mercredi 27 Mai, Me Alassane Diop dénonce les conditions d’exercice de la Grâce présidentielle au profit de 400 détenus dont le célèbre prêcheur Bandiougou Doumbia. L’avocat estime que la procédure n’a pas été respectée et invite les magistrats à «minimiser les ingérences» de l’Exécutif dans le Judiciaire.

 «Une grâce présidentielle au-dessus de la grâce constitutionnelle». Dans sa note ainsi intitulée, Me Diop explique comment 400 détenus «triés sur le volet »,ont été remis en liberté, à l’occasion de la célébration de la Nuit du destin,pour lutter contre la propagation de la COVID-19 au Mali. Au-delà de la bonhomie solidaire et contagieuse, le juriste, se justifie-t-il, jette un regard rétrospectif sur la démarche entreprise. La Grâce présidentielle, explique l’avocat,est instituée par l’article 45 dela Constitution du Mali qui dispose: «Le président de la République exerce le droit de grâce».

Selon l’avocat, la grâce découle d’un décret présidentiel qui permet de réduire ou de supprimer une sanction pénale. Si le Président vous accorde la grâce, selon qu’elle est partielle ou totale, vous serez dispensé d’exécuter partiellement ou totalement votre peine. On vous libère sur le champ, explique-t-il. Cependant, souligne Me Diop, la grâce accordée par le président IBK, l’a été en faveur de détenu non méritant en l’occurrence le prêcheur Bandiougou Doumbia. «En vérité, n’importe quel détenu ne peut pas bénéficier de la grâce présidentielle», a écrit l’avocat dans son billet.

Pour qu’un détenu bénéficie de la grâce présidentielle, il faut, expose l’avocat, que la peine soit «définitive et exécutoire». C’est-à-dire que tous les recours (appel ou pourvoi en cassation) doivent être épuisés, ce qui signifie que le détenu ne peut plus contester juridiquement sa condamnation.Dans le cadre de la Grâce présidentielle liée à la pandémie Covid, dénonce Me Diop, il y a eu un aspect « sélectif» qui pose un «réel problème d’équité».Faut-il désengorger nos prisons en mettant en liberté provisoire les milliers de détenus préventifs présumés innocents et en attente de jugement ou gracier tout bonnement des détenus déjà reconnus coupables et condamnés?, s’interroge l’avocat pour qui l’idéal serait de vider en commençant par les détenus préventifs.

Pour Me Alassane Diop, il y a eu violation de la procédure en ce qui concerne Bandiougou Doumbia, condamné en première instance à 2 ans de prison ferme, et qui avait fait appel de sa condamnation. L’avocat termine sa plaidoirie en invitant les magistrats à ne pas laisser passer des agressions faites à la loi. «Il appartient au pouvoir judiciaire de tracer les frontières entre le possible et l’impossible et minimiser les ingérences dans la saine distribution des pouvoirs au sein de la République au lieu de se confiner dans une posture de département de l’exécutif», conclut-il.

Une procédure violée ?

«Non, la procédure n’a pas été violée», rétorque à Maliweb.net Ibrahima Tounkara, directeur national de l’Administration pénitentiaire et de l’Eduction surveillée. Chaque dossier de détenu, jure le magistrat, a été examiné par la Commission nationale de grâce conformément au Décret d’application de la Loi du 23 Décembre 1982 fixant les Conditions d’exercice du droit de grâce au Mali. A cette commission, la liste des détenus à gracier a été proposée par la Direction nationale de l’Administration pénitentiaire et de l’Education surveillée. Dans la liste des 400 détenus, proteste le directeur Tounkara,  il n’existe aucun détenu provisoire, aucun condamné pour terrorisme et aucun pédophile. «Je défie quiconque de prouver le contraire», lance le magistrat qui assure que la liste a été envoyée au Secrétariat général du Gouvernement pour publication dans le Journal Officiel.

Concernant Bandiougou Doumbia, le directeur national de l’Administration pénitentiaire estime que Me Diop s’est trompé. Bandiougou avait désisté à faire appel de sa condamnation. «L’acte de désistement existe, l’avocat n’avait qu’à demander à le voir», conclue le magistrat Ibrahima Tounkara.

Mamadou TOGOLA

Source: Maliweb.net

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