L’IMAM DICKO DESSINE SA TRANSITION POUR LE MALI

Invité mercredi soir par la télévision publique malienne, l’imam Mahmoud Dicko a martelé un message de rassemblement et de réconciliation à la veille des assises nationales du 10 au 12 septembre qui doivent accoucher de la Transition.


Bien que se défendant de vouloir jouer un rôle politique, l’imam a toutefois dessiné les grandes lignes de la Transition qu’il appelle de ses vœux, à travers un discours pragmatique : « ça fait maintenant trois mois que nous sommes là sans gouvernement. Le pays ne peut pas rester comme ça. Il faut que nous ayons le courage de chercher une voie de sortie. »

En trente minutes d’interview sur le plateau de l’OTM, il a répondu à la plupart des questions que devra trancher par le Comité national pour le salut du Peuple (CNSP) à l’issue de deux jours d’assises nationales et plusieurs jours de discussions régionales.

La durée de la transition ?

« J’envisage un an, 18 mois maximum. Il ne faut pas s’éterniser dans une Transition. La vocation d’une Transition, ce n’est pas de bâtir le Mali, c’est de mettre les jalons, de baliser la voie vers des futures élections. »

Faut-il confier le pouvoir à un civil ou un militaire ?

« Si la communauté internationale, y compris la CEDEAO, pense que la présidence de cette Transition doit  revenir à des civils, qu’on donne ça à des civils ! Il faut se conformer, pour ne pas nous exposer à des sanctions, pas seulement de la CEDEAO, de toute la communauté internationale, de tous les partenaires. (…) Nous avons besoin aujourd’hui de cette assistance, de ce soutien. (…) Notre armée a besoin du soutien des autres. Si on se met à dos la communauté internationale, ça ne me paraît pas intelligent. »

Quelles qualités devra avoir le président de la Transition ?

« Il y a beaucoup de Maliens intègres, des hommes de valeur qui sont là, de grands intellectuels, surtout des hommes de probité morale. Ils sont nombreux dans le pays. »

Quelle place pour le M5-RFP, la coalition qui a mené la contestation ayant précédé le coup d’Etat, dont fait partie son mouvement, la CMAS (Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko) ?

« Nous nous sommes battus, ce n’est pas pour venir demain se partager le pouvoir. Nous nous sommes battus pour le Mali, pour un idéal (…) On s’est battu pour que les Maliens se mettent ensemble, pas seulement le M5 ou la junte, tout le Mali », a-t-il estimé. Mais on ne peut pas « jeter (le M5) dans la poubelle. Ce n’est pas une bonne attitude. » Même les hommes politiques parmi eux qui ont, dans le passé, participé au gouvernement et à la gestion d’IBK, ont eu « le courage et le mérite de dénoncer et même de venir combattre ce système. » «Essayer de les mettre en marge, ce ne serait pas responsable. »

Quel doit être le mandat de la Transition ?

Pour l’imam Dicko, c’est la réconciliation des Maliens et la sécurité. «La Transition à elle seule ne peut pas (régler les problèmes). Il faut mettre les jalons d’une réconciliation réelle ; réduire cette situation sécuritaire qui est précaire dans notre pays. Nous avons des multitudes de milices dans le pays. On ne peut pas avoir des milices et avoir la paix. Ce n’est pas possible. Il faut trouver une réconciliation qui va instaurer la confiance entre les différentes communautés qui habitent notre pays. »

Et son rôle à lui, dans tout ça ?

Il a fermement démenti, une nouvelle fois, vouloir aspirer à des fonctions politiques : « ma vocation n’est pas de diriger un pays. Ce que je sais faire de mieux, c’est diriger la prière. Je m’en tiens à cela. » Il s’est insurgé, ou a fait mine de s’insurger, contre l’épithète de « faiseur de roi», idée quasi blasphématoire, selon lui, car « c’est le bon Dieu qui fait et défait les rois. » Mais il a confirmé qu’il pensait à une tournée à l’intérieur du pays pour tenter de réconcilier les Maliens. Y compris Yiad Ag Ghali et Amadou Koufa.

« Ce que j’ai dit au début, quand cette situation a commencé, j’ai dit aux autorités maliennes, essayons de les récupérer, de parler avec eux, de faire en sorte de les tirer de cette affaire pour qu’ils ne nous engagent pas dans une aventure sans issue. Si on les laisse, ils seront dans les mains des autres qu’on ne connait pas, qui sont d’ailleurs, qui viennent d’ailleurs », a-t-il expliqué, commentant les tentatives de pourparlers menées avec les deux chefs maliens des groupes djihadistes affiliés à Al Qaida.

Répondant à une question du journaliste de la télévision publique malienne sur une tournée possible à l’intérieur du pays, il a déclaré : « J’y pense. Quand les choses vont rentrer dans l’ordre, on va commencer. On souhaite que cette Transition débute pour que le gouvernement s’installe, que le Mali quitte cette incertitude.» Puis, ce préalable concrétisé, l’imam Dicko a promis d’engager « tout ce qu’il faut pour restaurer la confiance entre les communautés. »

« Je ne ménagerai rien quand il s’agit de la paix de la stabilité dans mon pays. Les Maliens ont assez souffert. (…) On a opposé des populations, des communautés qui ont vécu ensemble des millénaires. Maintenant, il faut que ça cesse. »

Les relations avec l’extérieur, la France, la CEDEAO ?

« Nous sommes un peuple qui a, avec la France une histoire commune. Nous avons aussi un destin commun. On n’est pas sensé ignorer cela. Mais cela n’empêche pas de dénoncer quand il le faut des positions de la France. C’est ce que j’ai fait en son temps. »

Il ne s’est pas privé de lancer une pique à la CEDEAO, estimant que l’organisation n’avait pas adopté le comportement de « pays frères » et qu’on ne pouvait pas « parler de sanctions et parler d’amitié. » En revanche, a-t-il poursuivi, « je le dis et le redis, le Mali fait partie de la CEDEAO ; elle est régie par des règles ; si nous sommes membres de cette organisation, on doit accepter que ces règles s’appliquent. »

Enfin, il a annoncé qu’il serait présent à l’ouverture et à la clôture des assises nationales mais qu’il n’y participerait pas. « Je souhaite que ces concertations qui débutent demain, que ce soit une réussite, un succès ; que les gens se mettent ensemble pour parler. Qu’on pardonne. Le pardon n’exclut pas la justice ou le droit mais c’est une attitude qu’une personne de valeur morale doit avoir en soi. (…) Le vivre ensemble, le fait d’accepter l’autre, la tolérance, l’humilité. C’est avec ça que nous sommes forts. »

Source: MondAfrique



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