La présidence de la Transition :Une fonction hyper politique

Daprès le Titre III, article 29 de la Constitution malienne de 1992, le président de la république est le Chef de lEtat. Il est le gardien de la Constitution. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des Traités et Accords Internationaux. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat.
Cest le président qui nomme le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement. Il peut les démettre de leurs fonctions. Cest le président de la république qui promulgue les lois votées par lAssemblée nationale etc. Cest une fonction multiple que remplit un président de la république élu au Mali. Mais actuellement, on est en période de transition et la Constitution nest pas suspendue. Elle a toujours cours aux côtés de la Charte de la Transition. Au regard de la Constitution de 1992, les fonctions du président de la république font quil prend des décisions politiques : nomination du Premier ministre, ministres etc.
Le président de la Transition doit donc se raviser. Même sil nest pas issu dune élection présidentielle, la fonction quil occupe est hyper politique. Elle demande donc du discernement dans les prises de décision. Bah NDaw ne peut donc se « mettre au-dessus de la mêlée ». La fonction présidentielle de Transition à lui confiée demande, en plus dune grande sagesse et dhumilité, une bonne dose de politique. A cet effet, même si Bah NDaw nest pas un homme politique ordinaire, en tant que Chef de lEtat malien, il est désormais condamné à faire, sans être partisan, de la politique pour pouvoir gérer le pays.
Le Mali traverse, depuis 2012, une crise multidimensionnelle. Durant quatre mois, le pouvoir du régime IBK a été vivement combattu par des forces sociopolitiques qui lont mis à genou. Une junte militaire, le CNSP, est venue « parachever » linsurrection populaire pour mettre fin à ce régime. Leur légitimé des armes ne peut être supérieure à celle du peuple souverain. Or, de la façon où se passent les choses, les militaires du CNSP sont en train de mépriser le peuple (incarné par les organisations politiques, syndicats et société civile) pour saccaparer lensemble des pouvoirs de la Transition. Cest cela la dure réalité du moment et elle est très conflictuelle.
Le président de la Transition doit savoir quil ne peut et doit dire tout bonnement que « Jai signé un décret et je men tiens à lesprit de ce décret». Cette réponse de Bah NDaw, à la question dun confrère relative au rejet par certains partis politiques de la clé de répartition et des modalités de désignation des membres du Conseil national de Transition (CNT), constitue une fuite de responsabilité. Notre pays a plus que jamais besoin dun président de la Transition qui sait manager son pays et lensemble de ses acteurs politiques pour faire léconomie dune nouvelle crise politique. En loccurrence en période de Transition.
Le président de la Transition du Mali, compte tenu de cette situation politique fragile et limmensité des tâches, doit être constamment à lécoute de tous les acteurs sociopolitiques et des militaires du CNSP (désormais maîtres du jeu politique par la force des armes) afin de pouvoir aplanir leurs divergences. Pour cela, Bah NDaw doit comprendre quil ne peut pas se contenter de signer systématiquement des décrets présidentiels qui engagent la vie de la nation sans essayer den mesurer leur impact.
Ce bon réflexe pour évaluer les conséquences de tout décret avant sa signature doit être le credo de Bah NDaw. Il aurait dû être animé dun tel reflexe lorsquil signait les deux derniers décrets relatifs à la création du Comité National de Transition (CNT). Tant il est évident que ces deux décrets sont controversés que polémiques. Ils accordent à un seul homme, fut-il le président du CNSP, le droit de nommer tout seul les hommes et les femmes quil faut pour siéger au CNT, lorgane législatif de la Transition. Cest arbitraire, antidémocratique et non consensuel. Ces deux décrets ne sont malheureusement pas de nature à apaiser le climat sociopolitique plus que délétère que vit notre pays.
En conséquence, le président de la Transition doit absolument sévertuer à faire dorénavant de la politique afin de prôner lécoute et le consensus entre les composantes sociopolitiques du Mali et le CNSP. Sans cela, la Transition quil préside sera indéniablement tumultueuse. Et à lheure du bilan, ce serait hélas bien regrettable pour lui et le Mali !

Falaye Keïta

Source: Le Pélican 

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