Menaces sur la Transition au Mali : L’ex autorité morale du M5-RFP, Mahmoud Dicko en guerre contre AssimiGoïta et Bah N’Daw !

Le ‘’Manifeste’’, lancé le vendredi 5 février dernier, en était l’amorce ; la tribune du meeting de ce samedi 7 mars 2021, organisé par le nouveau mouvement Djiguiya-Kura de HousseiniAmionGuindo, en constitue le véritable déclenchement. Cette fois, les hostilités sont ouvertes entre le leader musulman Mahmoud Dicko et les autorités transitoires actuellement au pouvoir au Mali.

Les mots sont forts, les cibles clairement identifiées : «On ne peut pas avoir un Président loin du peuple, un Premier ministre froid, un Vice-président je ne sais quoi», lance l’Imam de la mosquée wahhabite de Badalabougou, avec une pointe de mépris à peine contenue pour le dernier terme, s’agissant du taiseux Colonel AssimiGoïta, le patron de la junte et supposé véritable homme fort de la Transition.

La rupture est définitivement consommée entre l’ancienne autorité morale du M5-RFP, la contestation populaire anti-IBK, et les tombeurs de celui-ci. La conduite de la Transition ne trouve aucune grâce aux yeux du leader wahhabite, quand bien même qu’il est supposé avoir adoubé la junte et plus tard le pouvoir transitoire hybride laborieusement mis en place, au prix du reniement de la confiance que les politiques du M5-RFP avaient aveuglément placée en lui.

«Depuis l’installation de cette transition, les autorités de la transition se sont réunies avec quelle catégorie de personne ou quel regroupement pour parler du Mali ? On ne peut pas gérer un pays comme ça. Tu ne peux pas gérer le peuple sans le peuple», s’interroge-t-il avant de rappeler à l’ordre Assimi et sa troupe.L’ancien étudiant d’Al-Azar est particulièrement remonté contre le pouvoir transitoire du Mali.

Feignant d’oublier ainsi qu’il les y a confortés, Mahmoud Dicko épingle le fait que «Depuis qu’elles sont là, elles n’ont appelé personne pour parler du Mali», dénonçant aujourd’hui avec une opportune palinodie l’équipée solitaire et la stratégie du fait accompli dont les proconsuls de Kati ont toujours usées. Pourtant, cette pratique d’exclusion avait été constamment dénoncée par le M5-RFP, qui en avait fait les frais. Le regroupement de la contestation avait en effet été vilipendé pour cela par Issa Kaou Djim, qui avait d’ailleurs précisé qu’il agissait pour le compte et suivant les mots d’ordre de son beau-père l’Imam Dicko.

Pourtant, la sortie de ce samedi au bazooka du Prêcheur de Badalabougou, contre les trois têtes de la Transition, ne devrait guère étonner outre mesure. Il en avait déjà annoncé la couleur dans son ‘’Manifeste’’ de février, en avouant s’être «…trompé en soutenant des hommes qui, guidés par des intérêts égoïstes et matérialistes, n’ont pas su incarner le redressement du Mali tant souhaité».

Ceci avait, pour les observateurs attentifs, signifié une défiance voire un désaveu des autorités de la Transition dont on sait pourtant qu’il les avait puissamment aidées à consolider leur mainmise sur les leviers de commande de l’Etat, et sciemment au détriment de ses amis du M5-RFP.

L’affaire est allée crescendo. «C’est … avec gravité que j’observe les risques d’échec du combat de ce noble peuple épris de paix et de justice pour une gouvernance vertueuse», avait d’abord prudemment indiqué l’Imam dans son ‘’Manifeste’’, avant de souligner clairement qu’il s’était trompé en «croyant que les autorités de la transition vont pouvoir bien gérer la transition, mais je suis au regret de constater quelque chose que je vais dénoncer», précise-t-il.

En un mot, l’actuel pouvoir plus militaire que civil ne parvient pas «à bien gérer la transition». Et l’Imam Dicko ne les épargne pas, en tout cas pas les trois principales têtes, les Président et vice-président, les Colonels Bah N’Daw et AssimiGoïta et même le Premier ministre MoctarOuane dont on sait, et c’est un secret de polichinelle, qu’il doit sa primature à… Mahmoud Dicko à qui la junte avait laissé la totale discrétion de choisir le patron de l’exécutif transitoire.

Comme nous l’avions souligné ailleurs, pour le théologien wahhabite, les proconsuls de Kati n’ont pas pu longtemps taire leur boulimie prédatrice, à travers leur accaparement des secteurs juteux de l’économie et la confiscation des sources génératrices de ressources publiques. Déjà dans son collimateur, l’Imam Dicko avait dégainé contre le chef de la junte, le Colonel AssimiGoïta, en se disant «inquiet de ce feu qui embrase nos villes et nos campagnes, et qui pourrait, à terme, détruire … le Mali», faisant ainsi savoir qu’il ne croyait visiblement pas à la capacité du Vice-président, doublé de premier responsable de la Transition en charge de la défense et de la sécurité, de relever le défi d’un retour à la sécurité dans le pays. Il revenait en effet à l’ancien chef des forces spéciales de ramener la paix dans les vastes zones du nord et du centre, devenues des no man’s land échappant totalement à l’autorité de l’Etat.

Comme cette sortie en donne un aperçu, de l’Imam Mahmoud Dicko, on retient deux constantes : sa dextérité aux coups de couteau dans le dos depuis ATT jusqu’à IBK, Boubou Cissé, le M5-RFP et maintenant les proconsuls de Kati avec le Premier ministre qu’il leur a désigné, ainsi que la propension du prêcheur de la ‘’Sunna Missiri de Badalabougou’’ à se défaire des chapelles, même celles croyant bénéficier de son onction, car acquises à sa cause.

L’illustration est le récent conflit au sein de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Dicko, la CMAS, jusqu’alors dirigée par son beau-fils Issa Kaou Djim qui vient d’être défenestré par ses anciens compagnons téléguidés par le ministre Mohamed Salia Touré, le nouveau favori du prêcheur, pour le compte et au nom de… l’Imam Dicko.

Même s’il est difficile d’appliquer une grille de lecture cohérente à la démarche de l’Imam de la mosquée wahhabite de Badalabougou, il semble qu’il procède à un déblayage de terrain pour Seydou Coulibaly. La fréquentation de ses bureaux et la cour assidue que lui font certains proches de l’Imam, comme le ministre de l’emploi, font pencher pour l’heure la balance vers le satrape du régime défunt d’IBK.

Pourtant, le magnat de CIRA Immobilière, surnommé l’homme des avenants et considéré comme l’héritier du système déchu, est averti : Mahmoud Dicko n’a pas d’amis ; il a des intérêts. Ceux du Mali ? Va savoir !

Source / Libération par Yaya TRAORE

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