Birmanie: face à la répression sanglante de la junte, l’ASEAN et l’UE durcissent le ton

Plus de 230 morts et près de 2 500 arrestations. Face à la répression sanglante du mouvement de résistance civile birman, la pression internationale s’accentue. Chez les voisins de la Birmanie, les pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), le ton est monté d’un cran comme chez les ambassadeurs de l’Union européenne. Des sanctions sont envisagées.

Avec notre correspondante à Bangkok, Carol Isoux

« Nous sommes révulsés de la violence utilisée contre la population de notre voisin, la Birmanie », un pays qui est « déstabilisé par le fait d’une minorité qui agit pour ses propres intérêts ». Les mots très durs sont ceux du Premier ministre malaisien Muhyiddin Yassin.

Le président indonésien Joko Widodo va demander au sultanat de Bruneï, qui préside l’ASEAN cette année, d’organiser une réunion d’urgence. « L’Indonésie demande instamment que le recours à la violence cesse. […] La sécurité et la prospérité de la population doivent devenir la priorité absolue », a-t-il insisté.

La tonalité désormais employée par les voisins de la Birmanie tranche avec leur neutralité habituelle et leur souci permanent d’éviter l’interférence dans les affaires intérieures des membres de l’association. Mais le massacre quotidien de manifestants désarmés, les arrestations massives et arbitraires ont fait sortir ces pays sud-est-asiatique de leur traditionnelle réserve. La réunion d’urgence devrait examiner les sanctions possibles contre la junte.

Singapour, membre de l’SEAN, est le pays étranger où les généraux birmans ont le plus d’avoirs bancaires et d’intérêts financiers. Une grande partie de l’efficacité des sanctions repose donc sur la cité-État.

Les généraux font la sourde oreille face aux sanctions internationales

« Le meurtre de manifestants pacifiques et les arrestations arbitraires, y compris de journalistes, sont tout à fait inacceptables, a tweeté ce samedi le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Une réponse internationale ferme et unifiée est nécessaire de toute urgence. » Mais les généraux continuent de faire la sourde oreille aux multiples condamnations internationales.

Ce lundi, l’Union européenne doit sanctionner 11 officiers birmans impliqués dans la répression. Bruxelles finalise aussi des mesures coercitives visant les intérêts économiques des membres de la junte.

De nombreuses voix appellent à la libération d’Aung San Suu Kyi, mise au secret par l’armée depuis 48 jours. L’ex-dirigeante de 75 ans fait face à des accusations de corruption et est inculpée de plusieurs autres infractions. Si elle est reconnue coupable, elle pourrait être condamnée à de longues années de prison et être bannie de la vie politique birmane.

Les manifestants pro-démocratie se battront « jusqu’au bout » contre la junte

Des manifestants pro-démocratie ont défilé sous la bannière du « paon combattant » ce samedi en Birmanie, prêts à résister « jusqu’au bout » à la répression meurtrière de la junte.

Près de 240 civils sont morts depuis le coup d’État militaire du 1er février qui a renversé Aung San Suu Kyi. Le bilan pourrait être beaucoup plus lourd: des centaines de personnes arrêtées ces dernières semaines sont portées disparues. Mais malgré cela, la mobilisation continue.

« Le mouvement pro-démocratie maintient la junte dans l’incapacité d’exercer le pouvoir politique et administratif », relève l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des médecins, enseignants, employés de banques ou des chemins de fer sont en grève, paralysant une partie de la fragile économie du pays.

De nouveaux rassemblements ont été organisés samedi. À Mandalay, les protestataires ont brandi une banderole : « Le paon combattant », un symbole utilisé lors du soulèvement populaire de 1988, puis par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

À une centaine de kilomètres de là, dans la ville de Monywa, des centaines de personnes ont défilé et brûlé une copie de la Constitution. Rédigée en 2008, sous le régime militaire précédent, elle garantit des pouvoirs exorbitants à l’armée. « Qui a dit que nous devons abandonner à cause des armes de la junte ? Nous sommes nés pour la victoire », a tweeté Ei Thinzar Maung, un des leaders de la contestation.

« Nous nous battrons jusqu’au bout, a écrit un autre protestataire. On fera tomber cette dictature. » Mais les foules sont globalement moins nombreuses. Beaucoup de Birmans restent terrés chez eux par peur des représailles.

Chaos à Rangoun

À Rangoun, la situation est très tendue depuis que deux des cinq millions d’habitants de la capitale économique sont soumis à la loi martiale. Certains quartiers ont sombré dans le chaos, avec des manifestants lançant des projectiles et des cocktails Molotov sur les forces de sécurité, qui tirent à balles réelles.

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De nombreux habitants ont quitté Rangoun ces derniers jours, entassant leurs affaires à l’arrière des voitures, de tuktuks ou sur des deux-roues pour rejoindre leur région d’origine. D’autres Birmans ont fui en Inde et la Thaïlande se prépare à accueillir un afflux de réfugiés.

La Birmanie se referme chaque jour davantage. Les connexions internet mobiles restent coupées et seuls les journaux d’État sont disponibles. Les arrestations se poursuivent, notamment chez les grévistes et les membres de la LND. Plus de 30 journalistes ont par ailleurs été interpellés depuis le putsch.

(Avec AFP) 

Source:  RFI 




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