Soumeylou Boubeye Maïga : « Beaucoup de gens qui sont aux affaires dans cette transition ne veulent pas qu’elle prenne fin »

L’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga, était l’invité de l’émission Grand Jury de Renouveau TV du jeudi 19 août. Le président du parti ASMA-CFP est revenu sur le dossier de l’équipement militaire et s’est prononcé sur la gestion de la transition. L’affaire des équipements fait couler beaucoup d’encre, expliquez-nous pourquoi.

Soumeylou Boubeye Maïga : Ce dossier de l’équipement, tout ce qui se dit n’est pas vrai. Les gens se rappellent de l’état de l’armée avant l’arrivée d’IBK. Nous étions en situation de guerre. Il fallait relever le niveau de l’armée face aux défis. Notre armée était sous-équipée. Les ratios de l’armée étaient entre 20 à 40%. Nous étions en situation de guerre. Les ressources financières étaient rares. Beaucoup de nos partenaires ne souhaitent pas que notre armée soit réarmée à certain niveau. On a donc trouvé des formules.

Y a-t-il eu malversations dans l’affaire des équipements militaires ?

SBM : Il fallait respecter la réglementation en vigueur en l’occurrence l’article 8 des marchés publics. Il fallait surmonter les contraintes financières. On a trouvé un intermédiaire qui était d’accord pour financer l’acquisition des équipements. Et qui était d’accord sur la base d’une condition c’est-à-dire d’être payé durant 3 ans. Après la conclusion de cette convention, le bureau du Vérificateur général a fait un contrôle de conformité et la Cour suprême aussi. Mais les deux n’ont pas abouti aux mêmes conclusions.

Pour différentes raisons, le rapport du bureau du Vérificateur général a eu plus d’écho. Et il y a eu un parcours judiciaire en est suivi. J’ai été détenu pendant deux jours en France. Et puis il y a eu une procédure qui a été ouverte au pôle économique où j’ai été entendu comme d’autres. En novembre 2018, la Cour suprême a rendu un arrêt, a condamné l’Etat à payer ce qu’il devait payer. Le contentieux a fait un appel ; en mars 2018, la Cour suprême a confirmé son arrêt. Et plus tard, par voie de presse, nous avons encore appris la réouverture de ce dossier. En mars dernier, la Cour suprême a pris un arrêt pour fermer définitivement ce dossier. C’était un instrument politique pour certains. Tout mon entourage a été écouté. La justice a été rendue sur la base de droit. Et il n’y avait aucune possibilité de manipulation politicienne. Si toutes les supplications étaient fondées, je ne serais pas là.

Êtes-vous inquiet pour la réouverture du dossier des équipements militaires ?

SBM : Je ne m’en suis jamais préoccupé ni inquiété. J’ai toujours fait confiance à la justice. Il y a des gens qui sollicitent la justice en permanence. Mais dès que la décision ne va pas au sens qu’ils veulent, ils crient au scandale.

Que pensez-vous de la gestion de la transition ?

SBM : Nous avons été le premier parti (NDLR : ASMA- CFP) à proposer une architecture pour la transition. Quand il y a eu le coup d’Etat en 2020, il y avait des perspectives d’une transition civile. Nous avons dit à l’époque que si des militaires s’engagent dans de telles initiatives, ils ont trois préoccupations : la reconnaissance de leur action ; leur présence dans les rouages permettant à mettre en place ce à quoi ils sont venus ; leur sécurité.

Si nous partons dans le sens de l’époque, nous serions dans une situation d’insécurité totale. Nous avons fait comprendre à la communauté internationale qu’il faut appuyer le processus en cours. L’ancien régime a certes commis une erreur en essayant d’écarter ceux qui sont considérés comme piliers des acteurs de la transition. Mais je pense que la détention actuelle de l’ancien président de la transition et le PM n’est pas normale. Je ne soutiens pas les militaires. Je soutiens le Mali.

Que pensez-vous de la Gestion de la primature par Choguel ?

SBM : Actuellement nous avons beaucoup d’interrogations. La réussite d’une transition, c’est d’en sortir. Et aujourd’hui, rien n’est sûr. Le mois dernier, un regroupement de la classe politique, dans lequel notre parti a pris part, on a fait un avertissement pour exiger le respect de la durée de transition. Aucun acte ne précise qu’il y aura des élections générales. On aurait déjà fini avec le fichier électoral. Il n’y a aucun acte concret sur le calendrier électoral. Si nous ne respectons pas le calendrier, cela sera un grand échec. Les conséquences seront énormes.

Le Mali sera vu comme un pays qui ne respecte pas ses propres engagements. Dans la situation actuelle, nous sommes à une course de lenteur en nous mettant devant le fait accompli. La transition doit mettre en œuvre les réformes qui sont compatibles selon son calendrier.

Vous savez, le Mali a besoin de leader capable de rassembler les citoyens. Nous restons attachés à la charte de la transition. Beaucoup de gens qui sont aux affaires dans cette transition ne veulent pas qu’elle prenne fin. Parce que c’est des moments où on peut se faufiler dans les rouages. Nous avons alerté sur la tentation de confiscation de la transition par certains. Et je pense que les Maliens ne sont pas prêts à une prolongation de la transition.

Quelle est la situation de votre parti ?

SBM : C’est un jeune parti qui est né en 2013. Notre parti a fait bonne impression lors des récentes élections législatives en 2020. L’ASMA se porte bien. Le M5 a su jouer un jeu tactique lors des frustrations de crise post-électorale.

L’accord d’Alger ?

SBM : J’ai beaucoup travaillé sur le volet sécuritaire de l’accord. Beaucoup de points contestés par la population sont des points qui ont été faits sur la base de consensus national. Il ne faut pas se faire d’illusion. On n’a pas d’alternative à la mise en œuvre intégrale de l’accord. Les derniers états généraux de la décentralisation de 2013 avaient également été axés sur la régionalisation. Il avait été décidé que la région soit le pivot de la décentralisation et que son président soit élu par suffrage universel. Ce n’est pas l’accord qui nous a amené ça. Et c’est ce qui est revenu dans l’accord. La centralisation crée une inégalité entre mes citoyens. Il faut une tertiairisation de nos politiques publiques.

Si vous voyez l’inégalité sociale, il faut savoir qu’elle tire sa source au niveau des territoires. La grande centralisation crée une inégalité au niveau du développement. Les gens doivent s’approprier les réformes qui ont été annoncées il y a longtemps pour comprendre la nécessité de cet accord. Le Mali aura à gagner sur le plan militaire en mettant en œuvre l’accord. Le Mali est très vaste. Il faut acquérir des combattants aguerris parmi les séparatistes. Nos effectifs actuels ne peuvent pas combler le vide sécuritaire.

Après avoir occupé de nombreux postes, que pouvez-vous apporter au Mali ?

SBM : On peut être utile à son pays sans être aux commandes. J’ai le devoir de restituer au pays ce qu’il m’a donné. Nous ne sommes pas d’abord en campagne. Mais je peux être utile dans certains domaines. Je suis prêt à servir mon pays sur 3 axes majeurs : La reconstruction de l’unité de la nation ; travailler pour la souveraineté de l’Etat qui consiste à la construction d’un État à être utile pour les citoyens eux-mêmes ; et enfin, à approfondir la démocratisation dans notre pays.

Anne Marie Soumouthéra




Source: Le Wagadu

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