La transition dans la dynamique d’une prorogation !

L’histoire institutionnelle de la République du Mali est dominée par la cadence des coups d’État et des présidences par intérim. Cinq coups d’État et trois transitons ont en effet marqué cette jeune République, toujours en quête d’une stabilité politique et socio-économique. Les périodes de transition, qui ont suivi les différents « putsch », ont été relativement courtes, conformément aux vœux des différents bords politiques.
En effet, le Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP) n’aura assumé la gestion du pays que de mars 1991 à juin 1992 avant de transmettre le pouvoir. Cette décision sage a été saluée et le Mali a gagné l’estime de la communauté internationale en raison de la période de démocratie stable qui a suivi. En 2012, après le coup renversant le Général ATT, l’intérim a été confié au Pr. Dioncounda. Pendant 1 an et 4 mois il (12 avril 2012 au 4 septembre 2013) occupa le fauteuil présidentiel et finit par organiser les élections promises en temps et en heures.
Ainsi, si les coups d’État sont monnaie courante chez nous, les périodes transitoires sont habituellement courtes.
Mais la nouvelle transition, ferait-elle exception en la matière ? Est-elle dans une dynamique de s’éterniser ? Le débat est houleux à ce propos. Les internautes s’adonnent à cœur joie. Un groupement de partis politiques a, d’ores et déjà, fait un communiqué dénonçant toute tentative de prorogation.
Mais au-delà des motivations personnelles des uns et des autres, que peut-on dire de la durée de ladite transition ?
Bien que le Président, et son prédécesseur dont le mandat a été écourté par un « coup de réglage », n’aient pas pris de position officielle, les choses semblent aller dans le sens d’une prorogation.
Premièrement, l’un des arguments évoqués au soutien d’un dépassement du délai initial, demeure l’instabilité grandissante et l’atteinte à l’intégrité du territoire. Ces faits militent en faveur d’un report d’échéance.
Par ailleurs, il a été avancé, notamment sur les réseaux sociaux, que ceux qui désirent précipiter les élections sont à la quête d’une immunité. Ainsi, des mis en cause dans les scandales financiers recherchaient-ils un havre de paix. C’est donc pour ne pas qu’ils échappent à la justice qu’il convient de prendre le temps d’élucider ces affaires et de renflouer les caisses de l’État avec les recouvrements forcés.
Mais quel que ce soit la teneur des arguments évoqués, une chose s’oppose à la prorogation, la « Charte de la transition ». Dans son décret d’application il est précisé à l’article 22 que « la durée de la Transition est fixée à dix-huit (18) mois à compter de la date d’investiture du Président de la Transition. Cette disposition unique suffit à contredire tous les arguments avancés.
En effet, on se souvient que lorsque la charte a été adoptée le sol Il était déjà occupé en partie. Et d’ailleurs, la transition avait pour missions :  le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ;  le redressement de l’Etat et la création des conditions de base pour sa refondation ;  la promotion de la bonne gouvernance ;  la refonte du système éducatif ;  l’adoption d’un pacte de stabilité sociale ;  le lancement du chantier des réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives ;  l’organisation des élections générales ;  la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.
A ce jour, aucun progrès significatif, à plus d’un an de l’investiture du président, n’a été recensé. Nous sommes donc au « statu quo ». Le constat est amer car la communauté internationale s’impatiente, et ce d’autant plus que les chronogrammes des futures élections ne sont pas révélés. Les voix s’élèvent pour encourager une prorogation que d’autres fustigent. Fort du soutien des autorités religieuses, celles dont les bénédictions doivent accompagner toutes campagnes électorales, le pouvoir en place demeure silencieux. Le peuple entier retient son souffle. L’IMPERTURBABLE est dans la réflexion. L’homme est serein notamment parce qu’il semble avoir le soutien d’une majorité du peuple. Il l’est également parce qu’il a entamé la noble lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics. S’il continue dans cette lancée, il pourrait bien être adoubé par le peuple las des politiciens « tricheurs et fourvoyeurs ». Ils ont eu plus de 30 ans pour s’illustrer en homme d’État. Leur échec a plongé le pays dans des crises multidimensionnelles.
À six mois de la fin de la période transitoire, le pouvoir en place serait-il dans une dynamique de s’éterniser avec le soutien du peuple? La position des partenaires internationaux est bien connue. Ils, notamment les États de la CEDEAO, sont farouchement opposés à un rallongement du délai initial. Et le Mali, n’ayant pas intérêt à se mettre à dos toute la communauté internationale, ne devrait pas tenter de se soustraire à ses engagements. Il n’en a ni les moyens ni le droit. Ceux qui ont des réserves (argent, fermes, champs) peuvent se moquer des embargos de la CEDEAO. Mais qu’en est-il de la rue ?
On se souvient que le comité local de suivi (composé de la CEDEAO et Union africaine), dans son communiqué du 17 mai 2021, avait souligné « la nécessité de respecter le calendrier convenu pour la conduite de la transition ». Ce rappel n’est pas anodin car il est à craindre que le Mali face objet de sanctions sur le fondement de l’article 77 du traité institutif de la communauté. Il convient de rappeler que le Mali a reconnu et adhéré aux principaux fondamentaux de la communauté et de ce fait il doit assurer la « promotion et consolidation d’un système démocratique de gouvernement » , notamment par la voix des élections libres et transparentes. Et les autorités actuelles s’y sont engagées solennellement. Et leur silence, éloquent, laisse peut-être présumer qu’elles sont à la recherche de solutions salvatrices.
Des propositions, alternatives à la prorogation pure simple, ont été faites par la classe politique. L’ancien candidat Cheick Modibo Diarra a estimé qu’il était possible d’organiser au moins l’élection présidentielle afin de donner une forte légitimité à l’institution. Ainsi, en patriote, L’IMPERTURBABLE pourrait-il s’illustrer en grand défenseur de la République et de la démocratie.
L’actuel PM, très prolixe en son temps lorsqu’il pointait du doigt les « illégitimes » (CNT et la présidence militaire qu’il ne pouvait cautionner), évite de prendre position ouvertement. Prudence est mère de sûreté, et il fait bien car ses anciens discours ont failli le discréditer. S’il a été adoubé par les ennemis d’hier, les membres du CNT, même avec le soutien du M5, le PM peinera à faire avaler la pilule de la prorogation. Il l’a compris alors il joue à l’apaisement. Les maliens apprécient, le dialogue est plus que nécessaire.
Dr DOUGOUNE Moussa

Source:  Le Pélican



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