Au Mali, le pari risqué du premier ministre Choguel Maïga

Emmanuel Macron a vivement réagi aux propos sur « l’abandon » de la France, en décrivant un gouvernement « à la légitimité démocratique nulle », tandis que Bamako opère un virage vers la Russie.

Contre la France, contre les partenaires occidentaux et ses voisins, contre la classe politique locale… Choguel Maïga a pris le pari de placer son gouvernement sous le signe de l’adversité.
Quatre mois après sa nomination, le 7 juin, à la tête d’une autorité de transition assignée à l’organisation d’élections fin février 2022, le premier ministre du Mali s’est déjà attiré de multiples inimitiés. « Enfant de deux coups d’Etat », « à la tête d’un gouvernement à la légitimité démocratique nulle », a asséné Emmanuel Macron à son endroit, jeudi 30 septembre. Le chef de l’Etat français avait habitué les dirigeants sahéliens à des discussions franches, mais ses mots, qui viennent s’ajouter à ceux des ministres des affaires étrangères et des armées, traduisent la colère et l’exaspération française actuelle.
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Les propos de Choguel Maïga, devant la tribune des Nations unies, accusant la France « d’abandon en plein vol », du fait de la fin de l’opération « Barkhane » et de la réduction du nombre de soldats dans la région, n’ont pas été digérés à Paris.
Et s’il est la conséquence d’un choc réel ressenti par les dirigeants maliens, le virage amorcé en direction de la Russie, notamment par l’intermédiaire des paramilitaires de la société Wagner, est vécu comme un outrage à l’engagement français. Qui plus est au lendemain de la mort d’un 52e soldat près de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso.
Les derniers gestes en provenance de Bamako ne devraient rien faire pour apaiser les tensions. Au cours de la nuit de jeudi à vendredi, un gros-porteur russe s’est posé sur le tarmac de la capitale malienne pour y décharger quatre hélicoptères Mi-171 sous l’œil ravi du ministre de la défense, le colonel Sadio Camara, principal instigateur du putsch de mai 2021 et homme fort du moment au sein de la junte qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », en août 2020. Avec Choguel Maïga, lui aussi formé en Russie, il est aujourd’hui perçu comme le meilleur relais des intérêts de Moscou au Mali.

« Opportuniste »

Qu’en pensent les autres officiers « tombeurs » du pouvoir civil, dont le taiseux président en fonctions, le colonel Assimi Goïta ? Mystère, mais les appels se multiplient en sa direction. Jeudi soir, la chancelière allemande Angela Merkel s’est entretenue avec lui. Le tournant pris par les dirigeants maliens n’inquiète pas seulement la France.
Pour l’heure, les militaires au pouvoir et le gouvernement qu’ils ont nommé s’appuient sur une frange de la population mobilisée autour de discours anti-impérialistes, contre la présence française jugée inefficace contre les djihadistes et complices de certains anciens rebelles du nord. « Choguel est un opportuniste. Il rêvait depuis toujours de devenir premier ministre. La mobilisation populaire du M5 [Mouvement du 5 juin, à l’origine des manifestations qui ont précipité la chute d’« IBK » le 18 août 2020] le lui a permis. Il va maintenant tout faire pour se maintenir », raconte l’un de ses amis de longue date.
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Source : RFI

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