Ukraine: situation explosive, Paris et Berlin rapatrient leurs ressortissants

Aucune issue diplomatique ne se dessine à l’horizon dans le conflit autour de l’Ukraine. Preuve que l’inquiétude est réelle, Paris et Berlin ont appelé leurs ressortissants à quitter le pays, même si l’Allemagne tempère face à l’alarmisme des États-Unis. RFI fait le point.

« Il est recommandé à tous les ressortissants français dont le séjour en Ukraine n’a pas de motif impérieux de quitter le pays. » Ce conseil aux voyageurs a été publié samedi après-midi sur le site du ministère des Affaires étrangères à Paris.
Les Français se trouvant « dans les oblasts [divisions administratives, NDLR] de Kharkiv, Lougansk et Donetsk », ainsi que dans la région de Dnipro, près de la Russie, sont « appelés à quitter sans délai ces zones », insiste le Quai d’Orsay. La pression monte donc d’un cran pour les Français en Ukraine. Jusqu’ici, Paris avait simplement conseillé de « différer tout déplacement » dans le pays.
Cette annonce est intervenue quelques minutes seulement après un appel similaire de l’Allemagne : Berlin demande à ses ressortissants de quitter « urgemment » l’Ukraine. La compagnie Lufthansa suspend d’ailleurs ses vols vers la capitale Kiev, et vers Odessa dans le sud, à partir de lundi. Ce week-end, quelques derniers avions décolleront encore des deux villes, notamment pour permettre aux expatriés de partir.
« La sécurité de nos passagers et membres d’équipage est notre priorité première », a souligné un porte-parole de la Lufthansa. Pour l’heure, Air France maintient encore ses vols, mais la compagnie dit « suivre la situation de près ».
 

Kiev et Berlin plus mesurés que Washington

Le gouvernement ukrainien a dit samedi se « préparer à tous les scénarios possibles », alors que les États-Unis se disent convaincus que la Russie veut envahir l’Ukraine de façon imminente.
Mais malgré la demande à ses ressortissants de quitter la zone, l’Allemagne prend ses distances vis-à-vis des positions américaines sur le risque d’invasion. « Dans les situations de crise, le pire est de présumer ou d’essayer de deviner » ce qu’il va se passer, a déclaré à Munich la ministre des Affaires étrangères allemande Annalena Baerbock. Le but de cette conférence internationale munichoise sur la sécurité était pourtant, précisément, de coordonner le camp occidental face à Moscou.
La veille, le président américain Joe Biden s’était dit, pour la première fois, « convaincu » que Vladimir Poutine avait décidé d’envahir l’Ukraine « dans les prochains jours ». Interrogée à plusieurs reprises sur les affirmations américaines, la ministre allemande s’est contentée de répondre : « Nous voyons qu’il existe différents scénarios, que différents scénarios se dessinent. »
« Nous ne pensons pas qu’il faille paniquer », a renchéri un peu plus tard le président ukrainien Volodymyr Zelensky, devant un parterre de diplomates et d’experts du monde entier réunis à Munich, où il avait finalement décidé de se rendre ce samedi.
Le président ukrainien a évité pour sa part de trop s’avancer sur les affirmations américaines : « Il m’est difficile de juger comment les États-Unis devraient utiliser leurs renseignements », a-t-il déclaré. Tout en se disant « reconnaissant » pour les informations partagées par Washington, il a affirmé faire confiance en priorité « aux services de renseignement ukrainiens, qui comprennent ce qu’il se passe le long de nos frontières ».

Zelensky veut une Ukraine en sécurité

Le président ukrainien avait décidé de maintenir son déplacement en Allemagne alors que Joe Biden s’était demandé vendredi s’il était « sage », c’est le mot qu’il avait employé, que M. Zelensky s’absente de son pays dans ce contexte de tensions.
À Munich, Volodymyr Zelensky a exhorté les Occidentaux à cesser leur politique « d’apaisement » vis-à-vis de Moscou et à augmenter leur aide militaire à Kiev. Surtout, il a également exigé un « calendrier clair » quant à une possible adhésion de son pays à l’Otan, tandis que Moscou demande instamment aux Occidentaux de ne jamais accepter Kiev au sein de l’Allianceatlantique, et de retirer leurs troupes d’Europe de l’Est. Le président ukrainien :

Nous apprécions toute aide, mais tout le monde doit comprendre : ce ne sont pas des contributions de charité que l’Ukraine doit demander […] C’est votre contribution à la sécurité de l’Europe et du monde. Où l’Ukraine est le bouclier depuis huit ans

 
M. Zelensky faisait référence au conflit armé dans l’est de son pays, avec les séparatistes pro-russes soutenus par Moscou, qui a commencé en 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, et qui se poursuit aujourd’hui. Le conflit a fait plus de 14 000 morts et 1,5 million de déplacés. Et de proposer, par souci d’équilibre, une rencontre avec son homologue Vladimir Poutine : « Je ne sais pas ce que le président russe veut, voilà pourquoi je propose qu’on se rencontre », a-t-il déclaré.

Discussions programmées, sur fond de tirs

Le président français Emmanuel Macron doit aussi s’entretenir dimanche à 11 heures (10h TU) au téléphone avec son homologue russe pour tenter « encore d’éviter le pire », a précisé l’Élysée.
Le fait que la rencontre des ministres des Affaires étrangères russe et américain, à Genève la semaine prochaine, n’ait pas été annulée, constitue aussi un signal qu’il est encore possible d’éviter un basculement dans un conflit proprement dit.

Face aux menaces de l’Ukraine d’entrer dans l’Otan, la Russie a fait des propositions pour garantir sa sécurité : neutralité de l’Ukraine et retour de l’Otan dans sa configuration de 1997 pour simplifier. Des propositions maximalistes qui sont en cours de discussion entre Moscou, Washington et ses partenaires européens, rappelle notre correspondant à Moscou.

Dans la journée, le président Poutine a décidé de faire une démonstration de force à coup de manœuvre et tirs de missiles de croisière et balistique, alors que la tension est à son comble. L’occasion aussi pour Vladimir Poutine de se présenter en chef de guerre et de montrer qu’il défendra ce que la Russie considère être son intérêt national.

Source: RFI

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