Décès du G5 Sahel

Au lendemain du retrait officiel du Mali de l’organisation sahélienne, le président du Niger a été on ne peut plus clair. Pour Mohamed Bazoum, sans langue de bois, le G5 Sahel est mort. Sans être cynique, l’on pourrait même se demander si réellement ce regroupement n’était pas mort-né depuis sa création en février 2014 dans la capitale mauritanienne ? Si le Mali a accepté d’abriter le siège, le fonctionnement, disons le financement de la structure n’a jamais été assuré.

Il était convenu que les 5 États membres avec leurs partenaires puissent mobiliser une enveloppe de 423 millions d’euros pour mettre sur pied cette force conjointe de 5 000 hommes. Concrètement, chaque pays impliqué devait contribuer à hauteur de 10 millions d’euros (soit environ 6,5 milliards de CFA), auxquels s’ajouteront 50 millions d’euros promis par l’Union Européenne. La France devait y consacrer 8 millions d’euros.
Une enveloppe qui a pratiquement été divisée par deux sans que le montant puisse être réuni depuis des années. Même au niveau de la cotisation des États membres, le Mali faisait état d’élève modèle. Il aura fallu attendre, faute de moyens logistiques et financiers, novembre 2017, soit 3 ans après avoir été porté sur les fonds baptismaux, pour voir le lancement de la première opération du G5 Sahel baptisée « Haw Bi ».

Composé de 5000 hommes (militaires, gendarmes et policiers), soit 1000 éléments par pays, la force conjointe comptait 7 bataillons de 650 hommes (550 militaires, 100 policiers et gendarmes). Des éléments repartis sur 3 fuseaux :

  • Le fuseau Ouest (Mali et Mauritanie),
  • Le fuseau Centre (Mali, Burkina et Niger),
  • Le fuseau Est (Niger et Tchad).
    Pour le politologue tchadien, Evariste Ngarlem Toldé, c’est l’approche mise en place par le G5 Sahel qui a montré ses limites. Pour lui, « Les chefs d’États qui se réunissent généralement tentent simplement de réaffirmer leur unité d’action, mais sur le terrain concrètement on constate que le terrorisme avance. La région des 3 frontières (Mali, Niger et Burkina Faso) reste toujours menacée par les terroristes qui tentent même d’étendre leur zone d’action jusqu’au Golfe de Guinée. Le G5 Sahel n’a pas du tout atteint ses objectifs fixés, ni sur le plan sécuritaire, ni l’aspect développement, encore moins sur la gouvernance des États concernés ».

Si aujourd’hui le Conseil de Sécurité des Nations Unies déplore le retrait du Mali, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. En effet, c’est ce même conseil qui a refusé d’accorder le chapitre 7 à la force conjointe, tout en hypothéquant son financement pérenne. Il faut dire qu’en fin 2014, soit quelques mois après son lancement, lorsque les chefs d’État du G5 Sahel ont décidé de doubler les effectifs de la force conjointe, en passant de 5000 à 10 000 hommes, les diplomates se sont beaucoup interrogés à New York. La démarche qui n’était pas soutenue par une stratégie élaborée par l’état-major de la force conjointe et dont le financement n’était pas non plus lisible, a laissé un arrière-goût de tâtonnement. Et suite aux nombreuses questions des membres du conseil de sécurité, comme par magie, les chefs d’État sont revenus au schéma initial des 5000 hommes. Cet épisode aura causé beaucoup de torts à la nouvelle entité.

Last but not least, comme l’a avoué un officier sous couvert d’anonymat, en dehors d’un ou deux États, les autres pays n’ont déployé leurs troupes que le long des frontières communes, sur leur propre territoire et le droit de poursuite était un principe difficilement accepté par certains acteurs. Bref, la force conjointe du G5 Sahel n’a jamais réussi à avoir la souplesse et la projection de la force multinationale mixte (FMM) de la Commission du Bassin du Lac Tchad, dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Le retrait du Mali ne vient en fait que décanter une situation de mort cérébral que tout le monde feignait d’ignorer.

source: Salif Sanogo

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