« BAD : Le Géant Africain du Développement entre Rayonnement Continental et Failles Souterraines

Considérée comme le bras financier du continent africain, la Banque Africaine de Développement (BAD) est au cœur de toutes les stratégies de croissance inclusive, d’intégration régionale et de transition énergétique en Afrique. Mais derrière ses succès visibles, des fragilités structurelles et géopolitiques menacent son efficacité. Décryptage des forces et faiblesses d’une institution incontournable mais encore sous tension.

Un acteur financier panafricain incontournable :
Créée en 1964 et aujourd’hui basée à Abidjan, la BAD réunit 81 membres, dont 54 pays africains et 27 partenaires internationaux (comme la France, le Japon ou encore les États-Unis). Elle s’est imposée comme la principale institution de financement du développement sur le continent. Sa mission : mobiliser des ressources pour appuyer la croissance durable et inclusive de l’Afrique.

Avec sa stratégie des “High 5” – Éclairer, Nourrir, Industrialiser, Intégrer l’Afrique et Améliorer la qualité de vie – la Banque a su aligner ses priorités sur les grands enjeux de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les Objectifs de développement durable de l’ONU.

Ce qui fait sa force :
La BAD bénéficie d’une notation AAA par les agences internationales, ce qui lui permet de lever des fonds à des taux avantageux sur les marchés financiers. Elle dispose également d’une expertise technique reconnue, notamment dans les projets d’infrastructures, d’accès à l’électricité et de développement agricole.

Elle agit aussi comme catalyseur de financements privés à travers des structures telles que Africa50 ou AfDB Lab et entretient des partenariats étroits avec des bailleurs internationaux (Banque mondiale, Banque européenne d’investissement, JICA, etc.). Cette légitimité se renforce par une présence décentralisée dans de nombreux pays africains.

Mais des fragilités inquiétantes :
Malgré ses atouts, la BAD fait face à de profondes limites financières. Son capital souscrit, avoisinant les 208 milliards USD, reste loin des besoins réels du continent, notamment dans les infrastructures, estimés à plus de 100 milliards USD par an.

En interne, les lenteurs administratives freinent l’efficacité des projets. De nombreux États bénéficiaires dénoncent la complexité des procédures et la lenteur des décaissements, parfois incompatibles avec les urgences du terrain.

Autre point noir : la vulnérabilité géopolitique. Plusieurs pays membres font face à des instabilités politiques chroniques (Mali, Soudan, RDC…), ce qui augmente le risque de non-remboursement et complique le suivi des projets. La Banque peine aussi à s’imposer dans le débat mondial sur les financements climatiques, souvent éclipsée par des institutions plus visibles comme la Banque mondiale ou le FMI.

Enfin, des frictions internes existent entre les membres africains (souvent demandeurs de souplesse et de rapidité) et les membres non régionaux (plus soucieux des critères de performance, d’environnement et de gouvernance).

Un bilan contrasté, mais prometteur :
Les points forts : Notation AAA, Mandat panafricain clair, Expertise technique établie, Partenariats structurants et Stratégies alignées aux priorités.
Les points faibles : Capacité financière inférieure aux besoins, Complexité bureaucratique, Risques géopolitiques élevés, Faible rayonnement mondial et Frictions internes entre membres.

Un avenir à fort potentiel, à condition d’agir :
Les opportunités sont immenses. La BAD pourrait jouer un rôle pivot dans la transition énergétique, la croissance démographique et l’intégration économique africaine, notamment via la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Mais pour cela, elle doit : Simplifier sa gouvernance et ses procédures opérationnelles ; Renforcer son image sur la scène mondiale ; Développer davantage les financements verts et innovants et Assurer un meilleur équilibre entre performance technique et urgence politique.

La BAD n’est ni une institution parfaite, ni marginale. Elle est indispensable mais perfectible. Sa réussite repose sur sa capacité à se réformer sans se dénaturer, à mobiliser sans s’endetter et à rester africaine tout en étant universelle. En somme, un géant aux pieds agiles, sur un continent en quête d’équilibre.

LA RÉDACTION MANDEINFOS »

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