Monsieur le Président , ce dimanche 22 juin 2025, le deuxième congrès du RHDP vous a plébiscité comme candidat naturel pour l’élection présidentielle d’octobre 2025. Mais, fidèle à votre style mesuré, vous avez préféré prendre un temps de réflexion avant d’annoncer votre décision. Ce geste vous honore, car il ouvre encore la possibilité d’un choix qui marquerait l’histoire de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique de l’Ouest : celui de ne pas vous représenter.
Aujourd’hui, au-delà du droit constitutionnel, se pose une question essentielle : celle de l’héritage politique que vous souhaitez laisser à votre pays et à la sous-région ouest africaine.
Le mérite du renoncement dans les grandes démocraties :
À 83 ans, après trois mandats présidentiels, dont deux fortement controversés, vous êtes déjà entré dans l’histoire ivoirienne comme un acteur majeur de la stabilisation post-crise et de la reconstruction économique. Mais il est un fait historique que les grandes figures de la démocratie entrent dans la légende non pas par la longévité de leur pouvoir, mais par la sagesse de leur retrait.
Votre renoncement volontaire en 2020, même si suivi d’un revirement, avait été salué comme un acte de grandeur. Aujourd’hui, dans un contexte régional marqué par l’instabilité et les ruptures constitutionnelles, la Côte d’Ivoire a besoin d’un geste fort, un acte de rupture salutaire : montrer que l’alternance est possible et que le pouvoir peut se transmettre pacifiquement.
Éviter un précédent dangereux :
Certes, vos partisans évoquent la stabilité et la continuité comme justification d’un quatrième mandat. Mais cette stabilité, si elle repose sur la concentration du pouvoir, devient illusoire. Elle entretient les frustrations, alimente les oppositions clandestines et risque de raviver les blessures non cicatrisées des crises passées.
Vous savez, mieux que quiconque, que les tensions sociales et politiques ne se conjurent pas par la seule force institutionnelle, mais par la confiance des citoyens dans la parole donnée, le respect des principes démocratiques et la visibilité d’une relève crédible.
Vous représenter, c’est prendre le risque de nourrir l’idée d’un pouvoir personnalisé, potentiellement source de violences électorales et de replis identitaires. Dans l’histoire ivoirienne, les souvenirs de 2002 et 2010 rappellent combien des élections sous tension peuvent déraper.
Préserver la stature régionale de la Côte d’Ivoire :
Sur la scène ouest-africaine, votre pays reste encore perçu comme un pôle de stabilité relative, un contre-exemple aux transitions politiques en cours ailleurs. Une nouvelle candidature pourrait brouiller cette image et conforter des dirigeants désireux de s’éterniser au pouvoir. En d’autres termes, votre décision aura une portée qui dépassera largement les frontières ivoiriennes.
La CEDEAO, fragilisée, a besoin de signaux positifs. Et la jeunesse africaine, en quête de repères, attend des leaders qu’ils incarnent des modèles de transmission pacifique et de dépassement personnel.
Une autre voie est possible : celle de la postérité :
Monsieur le Président, la Côte d’Ivoire regorge de talents, de forces vives, d’hommes et de femmes capables d’assumer la relève. Les encourager, les accompagner, les investir de votre expérience, serait un geste de patriote, un acte de bâtisseur.
Il ne s’agit pas de fuir ses responsabilités, mais de les assumer autrement. En renonçant à ce quatrième mandat, vous ouvririez une ère nouvelle, fondée non sur la peur du vide, mais sur la confiance dans la nation.
Ce serait une décision exigeante, certes. Mais les décisions les plus courageuses sont souvent celles qui demandent de s’effacer pour mieux faire grandir les autres.
Un choix qui transcende le moment :
À l’heure où l’Afrique de l’Ouest vacille entre réformes avortées et transitions politiques, votre geste pourrait réconcilier leadership et exemplarité. Ne pas se représenter, ce serait redonner à la démocratie ses lettres de noblesse et à la Côte d’Ivoire un nouvel élan d’espérance.
L’Histoire, un jour, retiendra que vous avez su partir avant d’être contesté, que vous avez préféré le legs républicain au maintien personnel.
En politique, la vraie puissance n’est pas dans la durée, mais dans la portée des décisions. Et parfois, l’homme d’État se distingue du politicien par un seul mot : Non. »