Sur la période allant du 30 décembre 2019 au 20 mars 2020, 266 incidents ont été signalés au Centre et au Nord, au cours desquels 247 civils ont été tués, 119 blessés et 72 enlevés. Ce nombre est en augmentation par rapport à la précédente période de référence au cours de laquelle 200 civils ont été tués dans 269 incidents. C’est ce que révèle le rapport trimestriel du Secrétaire général de l’ONU sur la situation sécuritaire du pays publié ce mois de mars 2020. Si le patron de l’ONU fait état d’un progrès remarquable dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix, la situation au Mali et dans la région du Sahel reste très préoccupante et marquée par une détérioration de la sécurité et une augmentation des attaques. Pire ? Les groupes terroristes alliés à Al-Qaida et à l’État islamique ont gagné du terrain et cherchent tous à exercer leur influence.
Selon le rapport, la période considérée a été marquée par une augmentation des activités des groupes terroristes dans le nord et le centre du Mali et par des affrontements entre ces groupes, ainsi que par la consolidation de l’influence de la Coordination des mouvements de l’Azawad dans le nord du Mali et la persistance de la violence entre les communautés du Centre.
Au Nord
Dans le Septentrion du Mali, les attaques terroristes sont restées la principale menace. Des attaques ont été enregistrées dans les régions de Gao, Kidal et Tombouctou dans le Nord, ainsi que dans les régions de Mopti et Ségou dans le Centre. La plupart de ces attaques ont été attribuées au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans ou à l’État islamique du Grand Sahara ou revendiquées par l’un ou l’autre des deux groupes.
La MINUSMA, les forces de défense et de sécurité nationales et les forces internationales ont continué d’être leur principale cible. Les civils ont également été visés, principalement dans la région de Mopti.
Selon le Secrétaire général de l’ONU, les affrontements entre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et l’État islamique du Grand Sahara ont ajouté à la complexité de la situation en matière de sécurité dans le nord et le centre du Mali. L’État islamique du Grand Sahara semble avoir étendu ses zones d’activité à certaines parties des régions de Gao et de Tombouctou, qui étaient auparavant la zone d’opération du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. L’expansion de l’État islamique dans le Grand Sahara aurait également provoqué une scission au sein de la Katiba du Macina, qui fait partie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, plusieurs combattants peuls se réclamant de l’État islamique au Grand Sahara. On a également continué à signaler des attaques de groupes terroristes contre des combattants affiliés à la Plateforme. Ce qui a contribué à affaiblir davantage la coalition.
Pendant ce temps, le rapport constate que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a continué à consolider son influence dans le nord du Mali. Au-delà de sa place forte à Kidal, elle a continué à assurer la sécurité dans la région de Tombouctou, tout en étendant son influence dans les régions de Ménaka et de Gao. En effet, suite aux affrontements en décembre 2019 entre les combattants des groupes armés signataires, la Coordination et une aile de la Plateforme ont signé un accord de sécurité à Ménaka le 12 janvier. L’accord a officialisé le rôle de la Coordination comme l’un des garants de la sécurité dans la région. Aussi, la CMA a-t-elle renforcé son alliance avec l’autre aile de la Plateforme, ce qui lui a permis d’établir un poste de commandement à Kidal où la Plateforme n’était plus présente depuis 2014.
Dans le centre
Le rapport du secrétaire général de l’ONU constate une détérioration de la situation sécuritaire dans la zone, à cause de l’expansion continue des groupes terroristes, notamment dans les districts de Bankass, Bandiagara et Koro, dans la région de Mopti, ainsi qu’autour de Diabali, dans la région de Ségou. Les attaques contre les civils, dans le cadre de la violence intercommunautaire, ont persisté, insiste-t-on. Il relève malheureusement plus d’attaques enregistrées contre des villages Dogon que contre des villages Peuls.
C’est dans ce contexte, selon le selon Antonio Guteress qu’une attaque de groupes terroristes contre le poste de la Garde nationale à Dioungani, dans le cercle de Koro, dans la région de Mopti, le 22 janvier, a fait sept morts et huit blessés parmi les membres de la Garde nationale. L’attaque et l’incendie de la ville de Dioungani, le 24 janvier, ont conduit les forces armées nationales à se retirer de leur position et 880 civils à se déplacer.
Attaques asymétriques
Selon l’ONU, la MINUSMA et les forces internationales ont continué d’être la cible d’attaques asymétriques. Il y a eu 22 attaques contre la MINUSMA, dont 7 dans la région de Mopti, 6 à Kidal, 2 à Ménaka, 3 à Tombouctou et 4 à Gao. Ces attaques ont fait 43 blessés parmi les soldats de la paix. Au cours de la période de référence précédente, 20 attaques contre la MINUSMA au total, avaient coûté la vie à un prestataire de services et fait 25 blessés parmi les soldats de la paix.
Le nombre d’attaques commises à l’aide d’engins explosifs improvisés contre les forces nationales et internationales a augmenté au cours de la période à l’étude, en particulier contre les forces de défense et de sécurité nationales dans le Centre et les forces de la MINUSMA dans le Nord. Ces incidents ont continué à représenter une menace principale pour toutes les forces, notamment pour les convois sur les principales routes d’approvisionnement, mais aussi sur les routes secondaires.
Par contre, le rapport fait état de la diminution du nombre d’attaques complexes visant les forces de défense et de sécurité nationales et les camps de la MINUSMA.
Sur le registre des attaques contre les forces nationales et celles de la MINUSMA, le rapport souligne que le 9 janvier où des tirs coordonnés indirects ont été lancés contre le camp occupé par la MINUSMA, les forces armées nationales et les forces internationales à Tessalit, dans la région de Kidal. Au total, 15 obus de mortier et roquettes ont atterri dans et autour de l’installation. Vingt personnes ont été blessées, dont 13 soldats de la MINUSMA et 2 membres du personnel national travaillant pour les forces internationales. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans en a revendiqué la responsabilité.
Quatre jours plus tard, le 13 janvier 2020, un véhicule de la MINUSMA a heurté un engin explosif à Kidal. 2 soldats de la paix ont été blessés. Le 23 janvier également, des assaillants inconnus ont pris pour cible le camp de la MINUSMA à Kidal dans une attaque par tirs indirects. 10 mortiers ont été tirés contre l’installation. Un soldat de la paix a été grièvement blessé.
Attaques contre les civils
Les civils ont continué d’être victimes d’attaques de groupes terroristes, de violences intercommunautaires, d’engins explosifs improvisés et de banditisme. Au cours de la période examinée, 266 incidents ont été signalés, au cours desquels 247 civils ont été tués, 119 blessés et 72 enlevés. Ce nombre représente une augmentation par rapport à la précédente période de référence au cours de laquelle 200 civils ont été tués dans 269 incidents. Plus de 60 % des attaques meurtrières contre les civils ont eu lieu dans la région de Mopti. Au total, 218 personnes ont été tuées dans le centre du Mali entre le 1er janvier et le 4 mars.
Le 16 janvier dernier, des éléments armés ont attaqué le village de Sinnda, dans la région de Mopti, tuant au moins 14 civils et en blessant des dizaines d’autres. L’attaque la plus meurtrière enregistrée a eu lieu le 14 février, lorsque des éléments armés ont attaqué Ogossogou, dans la région de Mopti, tuant au moins 37 civils, principalement des Peuls et brûlant des maisons et des greniers, indique le rapport. Ces attaques contre les populations civiles ainsi que les violences intercommunautaires ont entraîné de nouveaux déplacements de populations, notamment vers la Mauritanie, et poussé les administrateurs civils à abandonner leurs postes.
Par Sidi DAO
Source : INFO-MATIN