Dans quelques jours, le 13 janvier, les cinq chefs d’État impliqués dans le G5 Sahel se rendront à Pau (France) afin d’échanger avec Macron. Oui ou non les dirigeants africains concernés souhaitent-ils que les armées françaises restent dans leurs pays?
C’est la question qui sera au coeur du débat. Mais, débat
vraiment? Du moins, il s’agit de venir répondre au président de la République française, lui dire clairement si le Sahel a besoin de ses armées et, dans le cas d’une réponse positive à la question posée, ce qui ne fait plus l’ombre d’un doute, formaliser le « oui » à la France pour que cesse le sentiment anti-français largement répandu dans les pays en cause.
En effet, à ce jour, aucun des chefs d’État sahéliens n’a exprimé la moindre récusation des troupes françaises et leur départ du Sahel. Bien au contraire, tous ont laissé savoir que le maintien de la présence militaire française est une nécessité dans les conditions actuelles, un impératif même, voire un sésame qu’il faut renforcer. N’empêche que le sentiment anti-français ne se dissipe et, d’ailleurs, il va s’amplifiant. Il y a, semble-t-il, dans cette dichotomie entre gouvernants et gouvernés sur la question, un grand tort imputable aux dirigeants.
Autant ces derniers sont prompts à réagir aux sollicitations françaises dans le sens voulu par les autorités de Paris, autant ils manquent de pédagogie dans la communication pour expliquer à leurs peuples ce qu’ils estiment être des positions de bonne saison par rapport aux relations avec la France. Or, dans une démocratie, l’opinion publique nationale n’est jamais une quantité négligeable, surtout quand elle est largement opposée à la direction prise par le pouvoir, dans quelque affaire que ce soit.
IBK comme Mahamadou Issoufi, pour ne citer que deux sur cinq, ont toujours affirmé et réaffirmé haut et fort, souvent avec une emphase révoltante, à l’occasion des opportunités d’interviews ou de discours officiels, encore si ce n’est pas dans des circonstances dramatiques comme les massacres des soldats des armées nationales régulières, leurs convictions fortes que la France est un partenaire incontournable, voire idéal.
Mais jamais ils n’ont pris la moindre initiative d’expliquer posément les enjeux réels et les raisons qui font qu’ils tiennent tant à la présence militaire française dans leurs pays. Conséquence fâcheuse de ce déficit de communication politique, le sentiment anti-français, comme l’a justement souligné Macron, est souvent porté par des responsables politiques. Il n’y a aucun doute que les peuples du Sahel voient d’un mauvais oeil la présence militaire française dans leurs pays parce que celle-ci est pléthorique, avec une impressionnante armada guerrière (Mirage 2000, Gazelle, etc.) mais dont on ne voit pas l’efficacité.
Forcément, les soupçons de complicités de la France avec les assaillants naissent, qui continueront à turlupiner les esprits. Il est d’ailleurs symptomatique que ce soient surtout les parlementaires et les plus grands leaders des sociétés civiles dans les cinq pays du Sahel qui catalysent le sentiment anti-français et qui organisent les masses à se manifester.
Après l’assaut très meurtrier subi par la brave armée nigérienne à Inatès, un leader particulièrement écouté de ce pays a adressé au chef de l’État un brûlot dans lequel il affirma : 《L’opinion est persuadée que la France est directement impliquée dans la boucherie d’Inatès. Nous défions les autorités de nous prouver le contraire. Sinon, arrêtez de manquer du respect au peuple.》Ce défi ne sera pas relevé, et cela a contribué à convaincre l’opinion publique nationale de la perfidie de la France.
Au Mali, c’est un député du parti du président de la République, le Rpm, qui se trouve depuis au moins un an à la tête de la fronde contre la France. Il vient de publier sur les réseaux sociaux (Facebook, WatsApp, Telegram, etc.), ce mardi, 7 janvier, un vibrant appel aux citoyens à sortir massivement le vendredi prochain pour participer à une manifestation jugée historique contre la présence militaire française au Mali.
On voit bien que les chefs d’État du G5 Sahel pourront donner à Macron toutes les assurances possibles et s’engager à les formaliser, le sentiment anti-français ne s’estompera pour autant pas tant que les peuples ne seront pas au fait des enjeux réels. Mais les présidents sahéliens sont-ils aptes à comprendre cette nécessité ?
Source : Le Combat