Les responsables de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) ont animé, le 19 mars 2020, à Bamako, un point de presse pour évoquer les différentes activités qu’ils ont eu à mener au Mali durant ces derniers temps. Au cours de ce point de presse, le Directeur de la Division des Droits de l’Homme et de la Protection de la Minusma, Guillaune Ngefa a procédé à la présentation des « Conclusions finales de la mission d’enquête spéciale sur les graves atteintes aux droits de l’homme commises à Ogossagou le 14 février 2020 ». Selon le conférencier Guillaume Ngefa, cette attaque a fait 35 morts. « Dans un tel contexte, rendre justice aux victimes et à leur famille demeure une priorité absolue », a-t-il dit
Prenant la parole, le Directeur de la Division des Droits de l’Homme et de la Protection de la Minusma, Guillaune Ngefa a fait savoir que la Mission des Nations Unies et le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de Genève ont publié les conclusions, par le rapport de la mission d’enquête spéciale qui a été conduite suite aux événements survenus le 14 février à Ogossagou, commune et cercle de Bankass dans la région de Mopti. Avant d’ajouter que cette enquête a été menée parce que la Mission et ses collègues qui ont conduit cette enquête ont été informés d’une possible attaque contre le village d’Ogossagou.
Immédiatement, dit-il, la Cheffe de bureau de la MINUSMA à Mopti a immédiatement mis en place un comité de crise pour voir quelles réponses que la Mission peut prendre. « Le Centre du Mali fait partie des priorités de la Mission. Une priorité qui a été mandatée par le Conseil de sécurité. Une fois que nous avons été alertés conformément à notre mandat et avec une posture beaucoup plus proactive pour la protection de la population civile nous avons décidé le déploiement d’un détachement des Casques bleus pour aller prévenir l’attaque. Les Casques bleus sont arrivés sur les lieux et il n’y avait pas encore l’attaque et comme vous le savez, ils ont été détournés par des témoignages non crédibles pour aller ailleurs étant donné que dans cette région, nous avons trois villages que l’on appelle Ogossagou. Lorsque les troupes sont revenues, l’attaque avait déjà eu lieu et la Mission n’a pas pu la prévenir », a-t-il dit. A l’en croire, la Division des droits de l’Homme a documenté sur le plan général depuis 2018 jusqu’en mars 2019, 300 cas de violences sur fond de tensions communautaires documentés dans la région de Mopti.
A ses dires, les 300 cas susmentionnés ont entraîné la mort d’au moins 918 personnes appartenant à différentes communautés, à savoir les communautés Bambara, Bellah, Dafing, Dogon, Mossi, Peul, Samogo, Sarakolé, Tamashek et Telem. La majorité des victimes, dit-il, se trouve dans les communautés peul et dogon. « Dans certains de ces cas, des maisons et des greniers ont été incendiés et des têtes de bétail volées ou tuées. Des déplacements forcés de populations ont également été observés dans la zone. Dans un tel contexte, rendre justice aux victimes et à leur famille demeure une priorité absolue. D’où l’importance du travail d’établissement des faits », a déclaré Guillaume Ngefa.
Il résulte de cette attaque un bilan humain très lourd. « Au moins 35 personnes tous membres de la communauté peule, dont une femme, trois garçons, et deux filles ont perdu la vie et au moins trois autres ont été blessés. Les corps de 32 victimes, dont celui d’une femme et de deux enfants ont été enterrés dans une fosse commune au Nord du village. De plus, au moins 19 personnes dont cinq enfants sont toujours portées disparues depuis l’attaque. En outre, au moins 136 habitations (légères ou maçonnées) ont été détruites par incendie volontaires ou rendues inhabitables, 32 greniers et hangars de stockage de vivres ont été incendiés ou rendus inutilisables, 24 charrettes, trois bâtiments commerciaux (cuisine, rôtisserie et boutique) et deux enclos détruits et/ou incendiés, et un nombre important de têtes de bétail ont été volées ou tuées », a déploré Guillaume Ngefa.
Quant à la question de savoir qui étaient les assaillants, le conférencier a fait savoir que ces derniers ont été identifiés comme étant des chasseurs traditionnels, appuyés par des hommes en tenue militaire et des membres présumés de la communauté Dogon. « Des témoins directs ont même identifié certains d’entre eux comme des habitants du village voisin. Il est important ici de noter qu’aucun élément ou indice recueilli au cours de l’enquête n’a permis de déterminer l’affiliation de ce groupe d’agresseurs à un quelconque groupe armé. C’est la difficulté que nous avons eu dans le cadre de cette enquête », a-t-il dit.
Aux dires de Guillaume Ngefa, les faits documentés, constituent des atteintes graves aux droits de l’homme, notamment des privations arbitraires du droit à la vie, des atteintes à l’intégrité physique et morale et des atteintes au droit à la propriété. Au regard de la loi malienne, ajoute-il, ces actes peuvent constituer des crimes prévus et punis par le code pénal malien. « Ces graves atteintes aux droits de l’homme pourraient également être qualifiées de crimes contre l’humanité, si jugées par un tribunal compétent, en vertu du droit international pénal, particulièrement l’article 7 du Statut de Rome », a conclu Guillaume Ngefa.
Aguibou Sogodogo