AUDIENCES PUBLIQUES DE LA CVJR : UNE GRANDE LEÇON AU PEUPLE DU MALI

Le samedi 05 Décembre 2020 s’est tenue au CICB, la 2ème audience publique de la Commission Vérité Justice et Reconciliation (CVJR). Placée sous la présidence du premier ministre Moctar OUANE,  cette activité a enregistré la participation du ministre de la Réconciliation, Colonel Ismaël Wagué, du président de la CVJR, Ousmane Oumarou Touré et d’autres personnalités du pays.

Durant toute une journée, ces braves hommes et femmes qui malgré les atrocités subies, des violences, des tortures et des traitements inhumains , ont décidé d’ouvrir leurs cœurs et parler de leurs vécus au peuple malien. Un partage certe douloureux mais très important pour l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques. Cet espace permet aux victimes de raconter non seulement leurs histoires, les conséquences surtout leur vision d’un Mali pacifié et réconcilié. C’est aussi un lieu de la reconnaissance publique de la souffrance des victimes.
Au total 10 personnes ont témoigné parmi lesquelles on retient Aicha Wallet Albessaty qui n’était encore qu’un enfant au moment des faits. Elle est une victime des premières années de l’indépendance.
En 1963 une rébellion touarègue éclate dans la région de Kidal. Elle a été maté par l’armée malienne.
Âgée alors de 9 ans, Aicha se souvînt encore comment elle a perdu les membres de sa famille. Elle déplore le fait que  les militaires n’ont pas pu faire la différence entre les hommes de terrain, et la population, « c’est ça qui est grave, on tue des innocents » regrette la bonne dame avec une voix pleine d’émotion.
Une autre victime plus récente , celle du massacre de Sobane Da. L’homme s’appelle Lazar, il est âgé  d’une trentaine d’année environ et a perdu tous les membres de sa famille dans cette tragédie. 
« Les terroristes ont pris d’assaut mon village Sobane Da. Dès la porte d’entrée, ils ont commencé a tiré sur tous ce qui bouge. Néanmoins, certains membres de mon village ont pu se réfugier dans la maison.
Entre temps, des renforts sont venus en moto pour grossir le rang des bandits armés. Ils ont encerclé notre village et ont commencé a tiré dans tous les sens. Certains d’entre eux ont emporté nos troupeaux. Après ce premier forfait, ils sont rentrés dans le village pour brûler nos céréales. Comme cela ne suffisait pas, ces bandits armés, malgré les cris et les pleures,  ont procédé à la brûlure des humains. Cette atrocité à continuer jusqu’à 00 heure du matin.
Au total 102 personnes ont été brulées vives dont 13 membres de ma famille (Mon père, ma mère, mes frères, mes belles-sœurs, mes neveux, mes enfants). Pour enterrer ces morts, cinq (5) grosses fosses communes ont été creusées.
Nous les quelques survivants du village ont a décidé d’aller s’installer à Kounando (un village sur la colline) à 12 Km de Sobane Da.
Aujourd’hui, à cause de la pauvreté, nous n’avons plus personne pour nous aider. Et pourtant, mon grand frère est décedé en me laissant 6 enfants à ma charge, je ne sais pas comment les nourrir ». 

« L’Etat fera tout pour remettre les victimes dans leur droit »

      Dans son discours d’ouverture, le Premier ministre, Moctar Ouane dira que « chaque être humain a le droit de faire ce qu’il veut de sa vie, il est inconcevable qu’il soit privé de cette vie ». Pour lui, ces audiences se tiennent à un moment où notre pays est confronté à un problème sécuritaire. Le pardon devient une valeur cardinale dans notre société. « l’Etat fera tout pour remettre les victimes dans leur droit » rassure le premier ministre. De passage, il a félicité les victimes qui ont accepté de raconter leur souffrance à la nation. « Nous n’acceptons pas le banal de la violence, car  le Mali doit tourner la page douloureuse de son histoire » conclut-il.

Une audience non  judiciaire

        « Il ne s’agit pas d’audience judiciaires. A la différence des tribunaux qui cherchent à établir la culpabilité ou l’innocence des auteurs présumés, ici seules les victimes sont entendues, la CVJR leur offre un cadre digne et sécurisé où elles pourront raconter les souffrances vécues ». A rappelé le président de la CVJR Ousmane OUMAROU TOURE. Pour lui cet espace d’écoute respectueuse des victimes est un cercle de solidarité, construit autour du récit, comme tant d’institutions traditionnelles au Mali.
Notons que cette 2ème audience publique avait pour thème « atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique ».

Abdrahamane BABA KOUYATE

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