Transition, nous voulons la rupture dans tous les domaines. Si pas maintenant, que le chronogramme à venir nous rassure.

Le malien a été acquis à la cause de la transition en deux vagues. Les premiers à la suite normale des manifestations du M5 RFP, « parachevées » par le coup d’État de août 2020, que la France avait salué, puis condamné. Pourquoi ? Elle seule le sait!

Les seconds dont je fais partie, à la faveur de la rectification de mai 2021, parce que, l’armée malienne a décidé de s’assumer pleinement et refuser l’accord colonial de la défense. Cette nouvelle phase de la transition, porte en elle, les germes d’une rupture et d’un changement de paradigme dans la philosophie de défense et de sécurité du Mali. Au terme d’une année, force est de constater que les changements sont notables. Ils ont été obtenus, non pas dans un consensus mou, mais une véritable rupture d’avec l’ordre ancien. L’armée française ayant été obligée de quitter le Mali, devenu le Diên Biên Phu sahelien.

Je qualifie cela de rupture. Chacun a sa compréhension de la rupture, mais tous doivent être d’accord qu’il s’agit de « casser », de « rompre » ou de cesser de façon brusque » ce qui durait.

Tous doivent être d’accord également que la rupture conduit nécessairement à un changement de paradigme. C’est à dire, à une modification profonde des valeurs, de la vision du monde ou des phénomènes, de la façon de penser, et donc de la façon d’agir.

Si cela s’est avéré dans les faits en matière de défense et de sécurité du territoire, comme noté ci-dessus, la rupture est moins perceptible, voire inexistante dans deux domaines significatifs de notre souveraineté. Il s’agit de la gouvernance globale des ressources minières du pays et la gestion des relations avec les partenaires bi et multi latéraux du Mali.

Dans le domaine des mines, le discours de Mme Fatou Diome est édifiant. Le décor de la pratique ancienne y est planté: contrat mal négocié, aucune transformation pour de la valeur ajoutée et l’emploi. D’autres experts, familiers dans ce domaine, pourront disserter sur le système de corruption et de rétro commissions, le manque de redevabilité et de tracabilite des fonds générés, le non respect des normes environnementales, les risques de santé pour les populations, et surtout le manque de données certaines, indépendamment certifié, sur le volume de la ressource brute et le montant des devises mobilisés. Pire, le pays n’ayant aucun système fiable, les rapports des sociétés minières font autorité.

Face à cette pratique décriée, la transition se devait d’opérer une rupture dans les nouveaux contrats miniers. Changer de paragdime, de la négociation à la signature du contrat. Quelque soit la ressource, surtout quand il est question du lithium ! Une ressource clé dans l’économie mondiale, qui peut nous aider à acquérir et consolider notre souveraineté monétaire. Une ressource que nous pouvions mettre dans la balance pour des négociations et nous défendre, comme la Russie est entrain de faire avec son blé, son gaz et son pétrole. Au lieu de cela, nous apprenons comme à l’accoutumée qu’un contrat d’exploitation de lithium est signé.

La rupture voudrait qu’on soit rassuré qu’il n’y ait pas eu de rétro commissions, que les bases d’une transformation ou industrialisation sont prévues, que les populations des environs sont protégées et bénéficient de cette exploitation, etc… Et puis, qui sont-ils ces opérateurs qui se passent des concessions, comme un tour de passe-passe? Dans le contexte actuel, sont-ils nos alliés objectifs ? Le gouvernement doit communiquer davantage sur ce dossier, le seul décret du Premier ministre, signé le 24 mars 2022, loin d’apaiser les appréhensions, laisse plutôt perplexe !

Monsieur le Premier ministre, vous devez vous écarter des pratiques anciennes et le démontrer en actes. Vous êtes un espoir, au Mali et en Afrique . N’organisez pas le summu à l’est avec force vacarme et flonflon, pour aller en catimini à l’ouest faire de l’illicite (l’ancienne méthode) ou le favorier. Qu’est-ce qui urgeait avec cette exploitation de Lithium?

Dans le domaine des relations internationales, la rupture des relations diplomatiques s’impose dès que le partenaire ne respecte pas la vie des populations maliennes. Pire, lorsqu’il semble tout mettre en place pour que le massacre de nos populations continue, sous une campagne agressive et mensongère de déstabilisation de nos forces armées de défense et de sécurité.

Ce partenaire ne mérite pas respect, fût-il la MINUSMA. Une organisation au service de L’OTAN pour balkaniser davantage l’Afrique et la soumettre aux intérêts des multinationales. Le patron de l’OTAN, les États-Unis d’Amérique ne s’en cache pas et menace de sanctions, quiconque (individu, organisation, État) qui se mettrait au travers de ses intérêts stratégiques en Afrique. Ces intérêts stratégiques se confondent aux ressources minières stratégiques dans le sous sol africain! Pas la vie des africains, encore moins leur santé et leur bien-être. Cela a au moins l’avantage de la clarté !

Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères, vous avez eu aux Nations Unies ce jour historique du 13 juin 2022, une posture patriotique, digne et ferme. Mais, il reste à nous expliquer la nécessité de la présence de la MINUSMA au Mali, jusqu’au point où la France réclame un parapluie de protection constitué par sa flotte aérienne (vidéo intervention de la France aux NU).

Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères, votre refus de ce parapluie (Vidéo Ministre acceptant la prolongation sous conditions), quoique inédit entre un pays africain et la France depuis certains des pères de l’indépendance, est insuffisant. Le savant Cheick Anta Diop, vous aurait comparé à cet esclave affranchi du 19ème siècle, qui ne sachant pas saisir l’opportunité de sa liberté, retourne tranquillement s’installer de nouveau chez son maître. La liberté lui fait peur! (Vidéo Cheick Anta Diop sur la colonisation mentale).

Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères, vous êtes un diplomate chevronné, vous avez dû évaluer la présence des différents forces des Nations Unies sur le continent. Dites nous, où les casques bleus ont réussi un mandat dans l’intérêt de l’Afrique et des africains? Moi, j’ai ma réponse, nulle part. Alors pourquoi prolonger le mandat de la MINUSMA ? Monsieur le ministre, le peuple africain du Mali a besoin d’être convaincu.

Dans les cas ci-dessus présentés, qui conditionnent notre souveraineté, la rupture n’est pas. Le paradigme n’a pas changé. Le Mali koura est à mille lieues de cette tendance.

Alors, monsieur le Premier ministre, je m’inscris en faux à la « une » de Malikilé, journal sérieux, s’il en est aujourd’hui dans le paysage médiatique. Il y est écrit, vous citant:  » Comme la sécurité, les autres secteurs se portent bien ». (Photo couverture Malikilé). Non, monsieur le Premier ministre , le secteur minier ne se porte pas bien. Notre diplomatie aux Nations Unies doit être davantage musclée. Il y va de notre quête de souveraineté.

Monsieur le Premier ministre, n’oubliez jamais que vous vous adressez à différentes générations, au Mali et en Afrique, à des élites africaines qui sont dans la lutte pour la souveraineté de l’Afrique depuis des années, qui ont écrit des livres et donnent des conférences à travers le monde. Nombre d’entre elles dénoncent le bradage de nos ressources minières comme un renoncement à notre souveraineté. Presque toutes ont démontré que les Nations Unies et les institutions de Bretton Woods contribuent à maintenir l’Afrique dans la servitude au profit du capital international. Alors, nuancez vos propos, là où ça ne va pas et expliquez pourquoi. Nous sommes à même de comprendre, parce que nous avons confiance à la transition. Nous avons foi au panafricanisme. Et soyez sûr nous allons contribuer en vous faisant des propositions.

Monsieur le Premier ministre, faites ce que vous dites et n’ayez pas peur de l’envergure du champ de changement que vous avez ouvert. Le sage dit : « Avoir peur du changement, c’est ignorer ses capacités ». (Nkiawete Simon Major).

Monsieur le Premier ministre, les propos de cet autre sage doit vous rassurer : « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». (Jean Monnet). Aujourd’hui, les maliens acceptent les changements, parce que la nécessité s’impose à eux. À moins que chemin faisant, vous même avez eu peur, ayant découvert ou appris autre chose d’effrayant pour vous dans ce monde impitoyable des relations internationales. Si, oui, passez le témoin et sauvez la transition ! Sinon, « soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ». (Prison Break – Michael Scofield).
Seydou Traoré, ancien ministre Mali Mali.

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