La ville de Niono est souvent marquée par des convoitises et convulsions politico-sécuritaires non négligeables au point que sa cohésion sociale en est régulièrement menacée.
– Maliweb.net – Le jeudi 19 septembre dernier, le calme trompeur que connaissait Niono a été ébranlé par une manifestation quasi spontanée de plusieurs centaines de jeunes qui ont incendié le commissariat et finir par tuer le commissaire de police Issiaka Tounkara. Un manifestant a été tué et une trentaine blessés. Les renforts dépêchés dans la ville le même jour et le lendemain vendredi ont permis de mettre la main sur de nombreux activistes et plusieurs manifestants qui apparaissaient dans des vidéos amateurs diffusées sur les réseaux sociaux. Ces images et d’autres éléments d’analyse ne laissent aucun observateur indifférent.
D’abord, il faut signaler que la ville de Niono est une zone qui a été marquée, depuis la survenance de la crise sécuritaire de 2012, par un degré élevé d’insécurité. La ville et ses environs, centres névralgiques de la vaste et verdoyante vallée de l’Office du Niger, ont longtemps aiguisé les appétits d’expansion des groupes jihadistes et extrémistes. Il s’en suit que Niono et ses alentours n’ont pas tardé à héberger, malgré son caractère d’agropole, des cellules dormantes du terrorisme dotées de fortes capacités de nuisance.
En outre, la disponibilité de pâturage et la présence d’importantes couches de populations agropastorales ont créé dans la zone un attrait naturel à l’expansion d’éléments nomades venus des régions du centre et du Nord du pays. Il va alors sans dire que cette « cosmopolisation » de Niono s’est renforcée avec la crise sécuritaire de 2012 avec pour conséquence une grande circulation d’armes, de munitions et un certain bellicisme à l’endroit des forces de l’ordre, voire des force de défense. « Comment comprendre l’enlèvement de nos bétails, l’occupation de nos terres par des terroristes alors même que Niono est à deux pas de Markala, Macina, Nampala et de Ségou, dotés d’effectifs militaires devant défendre la population ? », se demandait la semaine dernière un élu local.
Par ailleurs, la proximité du barrage hydroagricole de Markala et son riche potentiel de terres a fait de Niono un carrefour stratégique de divers trafics vers le centre du pays. Et, par le principe des vases communicants, les effluves pestilentiels d’AQMI sont perceptibles venant de Tombouctou via Léré et Mopti. Toute chose qui a exacerbé les tensions entre diverses communautés de cette localité charnière de l’ancien empire du Macina. Et, l’instrumentalisation orchestrée par les adeptes du prédicateur Amadou Kouffa a mis les nerfs à fleur de peau contre les symboles de l’Etat. Ce qui a développé dans certaines consciences la « victimisation des Peuls », pourtant réputés à tort ou à raison prédisposés à l’expression de la violence. L’enlèvement et l’assassinat du juge Soungalo Koné n’est-il pas vivace dans les mémoires ? D’autres attaques armées ne se sont-elles pas succédées à Niono ? La localité n’était-elle pas classée zone à risque de déflagration sécuritaire élevé ?
A ce tableau explosif s’agrège des velléités politiciennes de conquêtes des suffrages qui ont divisées les populations et les a facilement opposées aux représentants de l’Etat. Sinon comment comprendre des centaines de jeunes s’en prennent si violemment à un commissariat censé les protéger ? Ce ne sont pas les accusations contre le ministre de la Sécurité, le Général Salif Traoré publiées sur les réseaux sociaux qui diront le contraire. Formulées par le député SADI, Amadou Araba Doumbia de la ville, ce réquisitoire traduit une certaine accointance entre les manifestants et certaines chapelles politiques.
Mais, il faut reconnaître que l’Etat a manqué de prévenances en ne renforçant pas la sécurité du Compol IssiakaTounkara, alors même qu’il n’a pas anticipé en l’affectant à un autre commissariat. Il ne reste, à présent, à situer clairement les responsabilités pénales. Et à sévir lourdement pour hausser le facteur dissuasif de ces… « complots » contre notre vivre ensemble, par ces temps de crise sécuritaire aggravée.
Boubou SIDIBE