USA : Face au coronavirus, les Afro-Américains meurent à une vitesse alarmante [Covid-19]

Les inégalités persistantes exacerbent l’impact du Covid-19 aux États-Unis.

ÉTATS-UNIS – À l’annonce du septième décès dû au Covid-19 dans son entourage, Greg Bowens, 55 ans, a arrêté de compter. Mais, jour après jour, les noms de nouvelles victimes ont continué d’apparaître sur le fil d’actualité de ce professionnel des relations publiques, qui est également le fondateur de l’antenne de la NAACP (organisation américaine de défense des droits civiques) à Grosse Pointe, dans la banlieue de Detroit.

“Comment se fait-il qu’autant de gens meurent autour de moi?” s’est-il demandé.

C’était avant que le Service de la Santé et des Services sociaux du Michigan ne publie des données officielles sur la répartition des décès et des cas par groupes ethniques, le 2 avril. Ces chiffres montrent que, bien qu’elle ne représente que 14% de la population de l’État, la communauté noire comptabilise 33% des cas de coronavirus et 41% des décès. Ce n’était pas une surprise pour les Afro-Américains de Détroit, qui voyaient leur entourage se faire décimer depuis plusieurs semaines.

La première victime afro-américaine médiatisée de la métropole, Marlowe Stoudamire, un consultant commercial, est décédé le 26 mars. Il a été suivi d’un coach de basketball, d’employés du secteur scolaire, d’un chauffeur de bus qui s’était plaint sur les réseaux sociaux qu’un passager lui avait toussé à la figure…

Une femme a perdu sa tante alors qu’elle venait de conduire sa mère et sa grand-mère aux urgences (cette dernière est morte une semaine plus tard, et sa mère est sous respirateur, avec de bonnes chances de s’en sortir).

Disproportion flagrante 

Les États-Unis recensaient ce dimanche 12 avril 1514 nouveaux décès dus au coronavirus en 24 heures et sont le pays le plus touché au monde par le Covid-19 avec plus de 22.000 décès et au moins 555.000 cas confirmés. Mais ces données restent incomplètes.

Dans le Michigan, dans 30% des cas, l’ethnie n’est pas précisée. Toutefois, une étude plus exhaustive menée dans le comté de Washtenaw montre une tendance similaire à ce que Greg Bowens a remarqué: 49% des personnes hospitalisées sont des Afro-Américains, alors qu’ils ne représentent que 12,3% de la population.

Mais le Michigan ne se résume ni à Détroit ni à la pauvreté. Bien que la population de Détroit soit noire à 80% et que le taux de pauvreté y soit d’environ 35% (plus du triple de la moyenne nationale), d’autres banlieues plus riches présentant une forte concentration d’Afro-Américains sont également durement touchées.

“Des Noirs issus des classes moyennes et moyennes supérieures sont infectés et meurent”, rappelle Greg Bowens. “La seule chose que les victimes de Southfield, Détroit, Eastpointe, Harper Woods et autres ont en commun, c’est qu’elles sont noires.”

Le Michigan n’est pas une exception. Même si le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies ne communique pas de données sur le coronavirus par ethnie, les chiffres récoltés au niveau des villes et des États indiquent que la plupart des cas de Covid-19 touchent la communauté noire. À Chicago, 23% des habitants sont noirs, mais ils représentent 58% des décès liés à la maladie. À Milwaukee, les Noirs comptent pour environ un quart de la population, et la moitié des cas de Covid-19. En Louisiane, sept victimes du virus sur dix sont noires. Un grand nombre de foyers de l’épidémie sont des villes où les Blancs sont minoritaires, comme La Nouvelle-Orléans et Détroit, et les quartiers de New York à prédominance noire comme le Queens ou le Bronx.

“Nous n’avons pas traité les inégalités sociales”

Selon les sociologues et les épidémiologistes, quasiment toutes les pathologies qui augmentent la vulnérabilité des patients au coronavirus (asthme, diabète, VIH) touchent plus fréquemment la population noire.

“Nous n’avons pas traité les inégalités sociales aux États-Unis, que ce soit au niveau de l’éducation, de l’emploi ou des revenus”, constate Hedwig Lee, professeure de sociologie à l’université de Washington (à Saint-Louis) et spécialiste des disparités raciales dans la santé. “Nous savions que les groupes à la santé déjà fragile étaient plus susceptibles de mourir de la maladie, mais les chiffres n’en restent pas moins effarants.”

Les Afro-Américains sont deux fois plus sujets que les Caucasiens aux maladies du cœur, AVC et diabète. Ils souffrent plus souvent et plus jeunes d’insuffisances cardiaques, d’asthme et d’hypertension. Au fil des années, ces disparités ont contribué à réduire l’espérance de vie des Noirs américains, inférieure de quatre ans à celle des Blancs.

Source: RFI 

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