Les députés tchadiens votent l’abolition de la peine de mort

La sentence suprême n’était applicable que pour les crimes terroristes. La dernière exécution de djihadistes de Boko Haram avait eu lieu en août 2015 par fusillade.

L’Assemblée nationale tchadienne a voté, mardi 28 avril, l’abolition de la peine de mort, qui était autorisée jusqu’ici pour les faits de terrorisme, dans ce pays sahélien sous la menace de groupes djihadistes qui multiplient les attaques sur son flanc ouest.

« Les députés ont voté à l’unanimité l’abolition de la peine de mort pour les actes de terrorisme », a déclaré le ministre Djimet Arabi, à l’origine de ce projet de loi. Présentée en conseil des ministres il y a six mois, cette modification de la loi dite « antiterroriste », a ensuite été soumise à l’Assemblée qui l’a adoptée mardi.

Le président Idriss Déby Itno, qui doit encore promulguer la mesure pour son entrée en vigueur, dispose d’une écrasante majorité à l’Assemblée.

En 2016, le Tchad avait adopté une réforme du Code pénal, abrogeant la peine capitale, sauf pour les personnes condamnées pour des actes terroristes.

« Harmoniser la législation »

La mesure votée mardi a pour but « d’harmoniser notre législation contre le terrorisme avec celles de tous les pays du G5 Sahel qui ne prévoient pas la peine de mort pour les actes de terrorisme », a précisé le ministre de la justice.

Il faisait référence au G5 Sahel, une organisation régionale regroupant la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Parmi ces pays, seul le Burkina Faso a abrogé la peine de mort. Elle est toujours inscrite dans la loi des autres pays, même si elle n’est plus appliquée depuis des années.

Au Tchad, la dernière exécution de prisonniers condamnés à la peine capitale remonte à août 2015. Dix membres présumés du groupe djihadiste Boko Haram, jugés pour leur responsabilité dans un double attentat-suicide dans la capitale tchadienne, avaient été fusillés. Il y a près de deux ans, en août 2018, quatre hommes ont été condamnés à mort par la justice pour avoir assassiné une commerçante chinoise à N’Djamena. L’exécution n’a pas eu lieu.

« Nous saluons cette décision d’abolir la peine de mort par le législateur tchadien, a déclaré à l’AFP Jean Bosco Manga, fondateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés au Tchad. La logique de tuer un homme pour le punir d’avoir lui-même enlevé la vie à un autre est absurde. »

Immense pays s’étendant de l’Afrique centrale à la bande sahélo-saharienne, le Tchad est sous la menace de groupes djihadistes depuis 2014. Dans la province du Lac, située dans l’ouest, leurs combattants multiplient les attaques meurtrières contre des civils et des militaires.

44 détenus morts empoisonnés

Il y a un mois, une centaine de soldats tchadiens avaient été tués dans une attaque du groupe Boko Haram, la pire défaite jamais infligée à l’armée tchadienne, réputée très efficace, en moins de vingt-quatre heures. Le président Déby Itno avait ensuite lancé une vaste offensive militaire en représailles, jusqu’en profondeur au Niger et au Nigeria, selon lui, et avait assuré qu’il n’y avait « plus un seul djihadiste sur l’ensemble de la zone insulaire » du lac. Mille « terroristes » et 52 soldats tchadiens avaient été tués, selon N’Djamena.

Au terme de cette opération, 58 présumés membres de Boko Haram avaient été faits prisonniers et transférés le 14 avril dans une prison de N’Djamena pour y être auditionnés, puis jugés par une cour criminelle.

Mais trois jours plus tard, 44 d’entre eux ont été retrouvés morts dans leur cellule. Selon les résultats d’une autopsie, les prisonniers sont décédés après avoir ingéré une substance toxique à l’origine indéterminée, avait alors annoncé le procureur de la République.

Des associations de la société civile et une source sécuritaire à l’AFP avaient accusé leurs geôliers d’avoir infligé à ces détenus de mauvais traitements en les enfermant notamment dans une minuscule cellule sans eau ni nourriture durant trois jours. Ces allégations ont été formellement démenties par le gouvernement.

Le régime d’Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir par les armes il y a vingt-neuf ans, est régulièrement mis à l’index par les ONG de défense des droits humains.

Le Monde avec AFP 

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