𝐈𝐍𝐓𝐄𝐑𝐕𝐈𝐄𝐖 𝐄𝐗𝐂𝐋𝐔𝐒𝐈𝐕𝐄 𝐃𝐄 𝐋𝐀 𝐅𝐈𝐀𝐍𝐂É𝐄 𝐃𝐔 𝐉𝐎𝐔𝐑𝐍𝐀𝐋𝐈𝐒𝐓𝐄 𝐃𝐈𝐒𝐏𝐀𝐑𝐔 𝐁𝐈𝐑𝐀𝐌𝐀 𝐓𝐎𝐔𝐑É, 𝐇𝐀𝐖𝐀 𝐃𝐈𝐀𝐋𝐋𝐎 𝐒𝐎𝐑𝐓 𝐃𝐄 𝐒𝐎𝐍 𝐌𝐔𝐓𝐈𝐒𝐌𝐄 : « 𝐉𝐄 𝐍𝐄 𝐒𝐎𝐔𝐇𝐀𝐈𝐓𝐄 𝐑𝐈𝐄𝐍 𝐃’𝐀𝐔𝐓𝐑𝐄 𝐐𝐔𝐄 𝐋𝐀 𝐉𝐔𝐒𝐓𝐈𝐂𝐄
 »

Plus de cinq ans aprĂšs la disparition du journaliste Birama TourĂ©, les nouvelles autoritĂ©s de la transition entendent sortir cette affaire de l’ombre. Pour l’occasion, nous avons rĂ©ussi Ă  sortir de son silence, Mme Hawa Diallo. Celle-lĂ   mĂȘme qui devait convoler en juste noce avec Birama TourĂ©, le 14 fĂ©vrier 2016. Malheureusement, son fiancĂ© n’a pas donnĂ© signe de vie depuis le 29 janvier 2016. PlongĂ©e dans un chagrin indescriptible, de santĂ© fragile et vivant aux dĂ©pends de son beau-frĂšre Ă  Attbougou, Hawa Diallo, d’une voix nouĂ©e de tristesse, dans une interview exclusive qu’elle a accordĂ© Ă  votre journal, explique les derniers instants avec son ‘’homme’’, sa solitude, l’appui de ses proches, son sentiment d’impuissance et d’abandon par ses confrĂšres.

Le Sursaut : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Hawa Diallo : je suis nĂ©e en 1978. Je suis sortante de l’ECICA, spĂ©cialitĂ© : secrĂ©tariat de direction. Je vis chez ma grand-sƓur et son mari Ă  Attbougou depuis le dĂ©cĂšs de notre maman. Je suis la fiancĂ©e du journaliste Birama TourĂ©.

Nous avons effectivement appris que c’est vous qui Ă©tiez la fiancĂ©e de Birama TourĂ©, pouvez- vous  nous dire comment vous vous ĂȘtes rencontrĂ©s ?

H. Diallo : Birama et moi, nous nous sommes connus grĂące Ă  mon beau-frĂšre, SoumaĂŻla Coulibaly. Mais au-delĂ , nous sommes tous les deux issus du quartier de Bagadadji. Nos familles sont voisines. Mais le lien de mariage a Ă©tĂ© Ă©tabli grĂące Ă  mon beau-frĂšre, qui entretenait  une amitiĂ© sĂ»re avec Birama.

Votre relation avec Birama a-t-elle duré ?

H. Diallo : non, franchement parlĂ©, on ne s’est pas frĂ©quentĂ© avant d’envisager  le mariage. C’est quand il a dĂ©cidĂ© de se marier que son choix s’est portĂ© sur moi. Il a fait toutes les dĂ©marches Ă  cet effet. On avait mĂȘme fixĂ© la date du mariage. C’est le jour mĂȘme oĂč l’on a fait la dĂ©claration de mariage Ă  la mairie que Birama a disparu. Je me rappelle bien de cette date, c’était le 29 janvier 2016. Car, la cĂ©lĂ©bration de notre mariage Ă©tait programmĂ©e pour le 14 fĂ©vrier 2016 Ă  la mairie de Bagadadji.

Etiez-vous d’accord de vous marier avec Birama ?  Pouvez-vous nous confirmer qu’il n’y avait aucune entrave, ni de doute pour que vous soyez l’épouse de Birama TourĂ© ?

H. Diallo : aucun doute. Nous étions tous les deux consentants pour sceller ce mariage. Tout était déjà réglé pour la tenue de ce mariage à la date indiquée.

Madame, pourtant certaines indiscrĂ©tions laissent entendre  que vous n’étiez pas d’accord pour ce mariage avec Birama TourĂ©. Toute chose qui aurait causĂ©  son chagrin. Cela est-il vrai ?

H. Diallo : Cette information est fausse. On s’aimait bien. D’ailleurs Birama faisait tout chez nous. On mangeait ensemble matin, midi et soir. (Son beau-frĂšre intervient pour dire que Hawa et Birama s’appelaient entre eux : « mon cƓur »).

Au moment oĂč Birama s’engageait  dans ce  mariage, on a dit qu’il n’était plus dans son ancien journal ‘’Le Sphinx’’. Est-ce qu’il vous en a informĂ© ?

H. Diallo : en rĂ©alitĂ©, dans nos causeries, on ne parlait pas de son boulot. Nos conversations tournaient sur la vie entre nous deux, notamment notre projet de mariage, notamment l’appartement qu’il emmĂ©nageait et dans lequel je devais rĂ©sider Ă  Sebenikoro, mais pas son travail. Je savais quand mĂȘme qu’il Ă©tait journaliste, mais pas plus.

Donc, il ne vous a jamais parlĂ© d’un dossier sur lequel il Ă©tait en train d’investiguer qui aurait des retombĂ©es financiĂšres pour rĂ©gler les charges de votre mariage ?

H. Diallo : non, jamais ! [Clame- t- elle] Il ne m’a parlĂ© d’une quelconque affaire.

Nous les journalistes, lorsque nous sommes sur des dossiers sensibles, nous limitons nos conversations avec nos conjoints, surtout les Ă©changes tĂ©lĂ©phoniques. Est-ce que cela a Ă©tĂ© le cas entre toi et Birama au moment de sa disparition ? Il vous a dĂ©jĂ  dit, ĂȘtre en conflit avec une personnalitĂ© ou un personnage du pays ?

H. Diallo : cela aussi n’a jamais Ă©tĂ© le cas entre nous. Il m’appelait comme bon lui semblait, idem pour moi. Lors de nos causeries, il ne m’a jamais dit ĂȘtre en conflit avec une personnalitĂ© du pays. Comme j’ai eu Ă  le dire, nos conversations portaient seulement en ce qui concernait notre vie de couple.

Vous vous rappelez du dernier jour de votre rencontre avec Birama ?

H. Diallo : oui !  je m’en rappelle trĂšs bien, comme si c’était hier. C’était un vendredi, le 29 janvier 2016, le jour mĂȘme oĂč nous avions fait notre dĂ©claration de cĂ©lĂ©bration de mariage. De retour de la mairie, nous avons mangĂ© ensemble ici Ă  la maison. Puis il a pris congĂ© de moi pour aller remettre, Ă  son oncle Ă  Bagadadji , sa piĂšce d’identitĂ©. C’est aprĂšs avoir quittĂ© leur grande famille Ă  Bagadadji, que personne ne l’a plus revue (ou entendu de ses nouvelles).

C’est vers le coup de 21 heures que j’ai essayĂ© de l’appeler sans succĂšs. Son tĂ©lĂ©phone Ă©tait sur rĂ©pondeur. AprĂšs plusieurs tentatives infructueuses, j’ai dĂ©cidĂ© dĂšs le lendemain de me rendre chez lui Ă  SĂ©bĂ©nikoro. Il Ă©tait aussi absent de lĂ -bas.

AprÚs avoir constaté son absence de chez lui, vous avez informé quelle personne ou quelle autorité ?

H. Diallo : quand j’ai constatĂ© que son tĂ©lĂ©phone Ă©tait injoignable, qu’il n’est pas chez lui Ă  la maison, j’ai immĂ©diatement informĂ© son frĂšre. Ce dernier aussi Ă©tait dans le mĂȘme Ă©tat d’ñme que moi. Il m’a dit que lui aussi n’arrive pas Ă  joindre Birama Ă  partir de son numĂ©ro. Au mĂȘme moment des membres de sa famille ont aussi sillonnĂ© tous les commissariats et hĂŽpitaux de la place, ainsi qu’au niveau de la prison centrale sans succĂšs. En un mot, durant les deux jours qui ont suivi la date de notre derniĂšre entrevue, nous avons recherchĂ© en vain mon mari (elle coupe la parole et laisse tomber quelques gouttes de larmes sur son visage).

Madame, aujourd’hui, est ce que vous avez encore de l’espoir pour revoir votre mari ?

H. Diallo : toujours ! Moi
 tout ce que je veux c’est d’avoir les nouvelles de mon mari. Savoir s’il vit, comment il se porte. Si malheureusement il n’est plus de ce monde, pour faire mon deuil, j’ai besoin de savoir comment il est mort ? Si je dispose de son corps, qu’il soit inhumĂ© dignement, conformĂ©ment Ă  la religion et Ă  la tradition musulmane. Je veux me recueillir sur la tombe de mon mari au cas ou il ne serait pas vivant.

De la  disparition de Birama TourĂ© Ă  nos jours, il y’a eu plusieurs associations se rĂ©clamant de sa dĂ©fense. Est-ce que les responsables de ces associations sont venus vous rendre visite ?

H. Diallo : sans vous mentir, aucun membre d’aucune association de dĂ©fense des droits de Birama TourĂ© ne m’a rendu visite. Personne (elle sanglote Ă  nouveau). Je n’ai vu personne. La seule personne qui a cherchĂ© mon numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone pour s’enquĂ©rir de mes nouvelles et me consoler est son ancien directeur, Adama DramĂ©. A part lui, aucune autre personne d’une association ou d’un groupe de presse n’a cherchĂ© Ă  me rencontrer. Vous ĂȘtes le premier journaliste qui est venu chez moi pour parler de Birama TourĂ©.

Donc vous voulez dire que depuis cinq ans, personne n’est venu vous apporter un soutien, mĂȘme moral ou psychologique ?

H. Diallo : en rĂ©alitĂ©, Ă  part un cousin de mon mari, du nom de Lahaou TourĂ© et mes deux beaux-frĂšres, Moustaph DiakitĂ© et SoumaĂŻla Coulibaly [ les deux Ă©poux de ses deux sƓurs], personne d’autre ne m’a apportĂ© un quelconque soutien. Si j’arrive aujourd’hui Ă  vivre avec la conscience tranquille, malgrĂ© ce que j’ai sur le cƓur, c’est grĂące Ă  ces trois personnes.

Aujourd’hui, si l’affaire de Birama TourĂ© doit ĂȘtre tranchĂ©e devant les tribunaux, qu’est-ce que vous demanderez Ă  nos autoritĂ©s judicaires  ?H. Diallo : tout ce que je demande est la justice pour mon mari. Mon souhait est que la justice soit rendue dans la vĂ©ritĂ© et la droiture pour aplanir le chagrin qui m’affecte aujourd’hui et donner satisfaction Ă  tous les Maliens Ă©pris de justice dans cette affaire.

A l’issue du procĂšs, lorsque la justice dĂ©signera un coupable, comme bourreau de votre mari, allez-vous pardonner Ă  ce dernier ?

H. Diallo : je suis une croyante. Le bon Dieu a autant prĂŽnĂ© le pardon que la rĂ©clamation des droits. De ce fait, je ne souhaite aucunement voir ou retrouver mort celui qui Ă©tait destinĂ© Ă  ĂȘtre mon mari. Mais si cela est le cas, nous sommes dans un pays de droit, que la justice tranche comme cela se doit pour mettre tout le monde dans ses droits et sanctionner les prĂ©sumĂ©s coupables. Je reste confiante, j’ai un avocat (Me Alassane Diallo du cabinet Penda) qui suit cette affaire de son dĂ©but Ă  maintenant. Je lui fais confiance.

Interview réalisée par Moustapha Diawara

Source: Le Sursaut- Mali

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