Tractations En Cours Pour La Libération De Soumaila Cissé : Les Dessous D’une Bataille Rude Entre De Vieux Dinosaures Politiques

Si aux yeux du simple citoyen, les démarches en cours pour la libération de Soumaila Cissé des mains de ses ravisseurs bénéficient de la synergie de toute la classe politique et autres sensibilités sans distinction aucune, sous d’autres tropiques, cette libération mérite bien des retombées. Majorité et opposition, chacune joue sa survie politique au tour de ce sujet délicat. Les raisons : suivez mon regard.Toute la délégation du chef de file de l’opposition victime d’enlèvement est libre. L’annonce a été faite en deux temps vendredi par la cellule de crise mise en place pour la circonstance. Le seul détenu toujours entre les mains des ravisseurs est l’honorable Soumaila Cissé, chef de file de l’opposition. Pourquoi ont-ils procédé ainsi. L’hypothèse la plus plausible est la suivante : Compte tenu de son rang, sa personnalité, Soumaila est une pièce maitresse. Sa libération a plusieurs enjeux : elle peut être conditionnée à la libération des djihadistes détenus à la Maison d’arrêt centrale (MCA), à l’espèce sonnante et trébuchante…

Dans une réflexion plus poussée, il est impératif de comprendre que, déjà, la partie cachée de l’iceberg nous décrit une bataille rude entre politiques.

Point de départ. Un simple acte posé par le Président de la République, IBK. Sur sa décision, une cellule a été mise en place présidée par l’ancien premier ministre sous ATT, Ousmane Issoufi Maiga, membre du triumvirat qui a dirigé le processus du Dialogue National Inclusif et patron aussi de Irganda, cette plateforme d’une forte communauté ressortissante du Nord. Ce geste du chef de l’État vient en retard, mais comme a-t-on l’habitude de l’entendre, mieux vaut tard que jamais. Car, l’expression d’IBK était attendu juste après l’enlèvement de son principal challenger. Silence de carpe. Ce même jour, IBK s’est adressé à la Nation le soir, quelques heures après l’annonce officielle par Me Demba Traoré du rapt de Soumi et toute sa délégation. Pourquoi ce comportement d’IBK ? Ses plus proches ont tenté de donner une explication. L’adresse n’était pas en direct, elle avait été enregistrée dans la matinée, donc avant même l’enlèvement.

Le jour du vote, IBK profite du micro de l’ORTM pour annoncer sa solidarité et les dispositions prises par l’État pour le retour de Soumi Champion, comme ses plus proches aiment l’appeler. Mais de quelles dispositions s’agit-il ? Le Président ne donne pas le moindre détail. Son langage flexible a plusieurs sens. D’abord, il dénote que le Président est bel et bien dans la dynamique de négocier avec les ravisseurs et avoir la libération de Soumaila, quel qu’en soit le prix. Ce tempérament contraire aux menaces étalées lorsqu’IBK venait à peine de prendre les rênes du pouvoir en 2013 est compréhensible. Les ravisseurs du président de l’URD étant connus et Dieu faisant les choses, IBK était déjà dans la dynamique d’échanger avec eux. S’agrippant aux décisions du DNI, le chef de l’État a donné mission à l’ancien PM, Ousmane Issoufi d’engager un dialogue avec les chefs Djihadistes, Kouffa et Iyad qui sont bien entendu des Maliens.

Des politiques de l’opposition y voient un piège mortel

L’opposition, précisément des politiques réunis au sein du front pour la sauvegarde de la démocratie, FSD, voient en cette démarche d’IBK un piège. Eux qui ont tenu, dans un communiqué, IBK pour responsable du rapt de Soumaila pour la simple raison que cette situation exprime l’incapacité du pouvoir à sécuriser les personnes et leurs biens sur toutes l’étendue du territoire, n’ont pas tardé à entamer des démarches solitaires. D’abord, ils rencontrent l’Imam Mahmoud Dicko afin que ce dernier s’y implique pour faciliter la libération de Soumi. L’imam était déjà sollicité par de nombreux Maliens sur les réseaux sociaux pour la simple raison qu’il connait personnellement Kouffa et Iyad.

Pour rappel, au nom de l’État, il avait pour mission de ramener ces deux sur la table des négociations ; une démarche qui s’est brusquement arrêtée lorsque Boubeye était Premier Ministre sans raison avancée.

Quelques jours après, une délégation du FSD conduite par le patron du MPR, ancien allié d’IBK, a joint au téléphone le chérif de Nioro pour lui remercier parce qu’il a été la première personnalité à se prononcer sur la situation de Soumaila via une vidéo dans laquelle il n’a pas fait de cadeau à IBK ; il le tient aussi responsable de cette affaire délicate.

Ce qu’il faut comprendre de tous ces agissements, le FSD ne veut pas du tout que Soumaila recouvre la liberté grâce à IBK. Si tel est le cas, à la lecture des actions de Choguel et Mountaga, s’en est finie pour l’opposition. Elle sera muselée car ne pourra plus dénoncer les mauvaises pratiques d’IBK au point d’être taxée d’ingrate. IBK et ses suites pourraient bien évidemment mettre dans la tête des Maliens que comment peut-on s’en prendre à quelqu’un qui a tout mis en œuvre pour la libération du chef de file de l’opposition.

Alors l’opposition, elle aussi, pour ne pas avoir ce fardeau fatal sur sa conscience, s’est levée pour démarcher ces deux grands hommes de Dieu, Mahmou et Bouyé, et d’autres personnalités pour enfin faciliter la libération de Soumi sans la moindre contribution de l’État.

Déjà, tous les détenus sont libres sauf Soumaila. Pour leur libération, Me Demba a été très clair. Rien n’a été payé pour bénéficier leur libération.

Ce que l’on sait à ce sujet est que les notables de Niafunké s’investissent activement afin que Soumaila recouvre la liberté. Leurs démarches ne reposent sous aucune poutre politique, ni le pouvoir ni l’opposition. Ils se battent pour leurs frère et fils qui a été victime de cette situation pour leur propre cause car il était venu demander à nouveau leur suffrage afin d’aller, dans la continuité, défendre leurs intérêts et ceux du Mali tout entier à l’Assemblée nationale.  Si c’était quelqu’un d’autre, il n’allait pas prendre le risque de venir vu l’insécurité qui y règne. Mais Soumaila a osé. Il était là sans escorte militaire et a prouvé à travers cet acte qu’il a souci de la situation des populations de chez lui.

Ce dessous très tendu pour des retombées politiques, IBK a tout à fait intérêt à le jouer car si jamais Soumaila est libéré sans la moindre contribution de l’État, il sera submergé par les tirs d’obus des opposants qui feront savoir au peuple les raisons pour lesquelles ils s’étaient opposés à IBK et avaient demandé aux Maliens de le sanctionner. Et des raisons rationnelles sont patentes : quand IBK venait en 2013, le Mali était un peu stable, mais de nos jours, plus rien n’y reste. Tout le territoire est touché par l’insécurité et économiquement, il a complètement affaissé l’État.

Boubacar Yalkoué

Source : LE PAYS

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